vendredi 19 janvier 2007

Vive le transgénisme libre!

Dès la fin des années soixante, reconnues pour leurs prises de position et leurs audaces vestimentaires (j'en connais un qui dirait: leurs atrocités vestimentaires!), une diplômée fort respectée affirmait que tout texte se construisait comme une mosaïque de citations, et encore que tout texte était absorption et transformation d’un autre texte.
Et ce n’est pas moi qui le dit!
À la Chaire de recherche en littérature transgénique, Éric Lint, titulaire, nous reconnaissons la validité de ce double principe et l’inscrivons comme fondement même de nos travaux.
À l'instar de cette diplômée au patronyme christique et adamique, nous aimons aussi affirmer qu’aucun texte ne peut s’écrire indépendamment de ce qui a déjà été écrit et qu'il porte de manière plus ou moins visible la trace et la mémoire d’un héritage et de la tradition. En fait, cet héritage est de nature génétique, la mémoire est chromosomique et la trace est moléculaire. Ce n’est pas une vue de l’esprit, c’est une réalité matérielle. Amen.
Pour prendre des termes techniques, puisqu’il le faut! – on ne peut convaincre sans saupoudrer un peu de termes techniques sur nos arguments, c’est l’abc de l’argumentation moderne éclair –, le transgénisme est le dialogisme du XXIe siècle.
C'est moi qui le dit!
Au-delà de la polyphonie bakhtinienne, le transgénisme est la possibilité d’ajouter de nouvelles voix à un texte, de faire ressurgir des métaphores filées et de leur donner la consistance des queues de comète, d’ajouter de nouveaux timbres, de nouvelles tonalités.
Plus de fantastique? Ajouter du Kafka à vos lettres.
Plus de cruauté? Un peu de Bret Easton Ellis dans votre écriture.
Plus de couleur locale? Pour le deep south, saler avec du Faulkner et poivrer avec du Foote; pour New York, ajouter quelques tranches de Auster; pour l’ouest, verser de généreuses rasades de McCarthy; pour le postmodernisme enfin, piquer avec des pointes de Pynchon ou graisser avec du Gaddis.
Je dis vraiment n’importe quoi.
Je rêve parfois à la création d’un département des Littératures transgéniques. S’ils sont capables de créer des départements d'études hitlériennes (il y aurait comme du bruit de fond) ou de littératures comparées (vive les pommes et les oranges!), des regroupements de chercheurs uniquement préoccupés par cette opération naïve qu’est la comparaison, ils doivent bien pouvoir imaginer un département consacré aux arts littéraires transgéniques.
J’y mettrais:
- un généticien,
- un poéticien, -
deux sémiologues (on ne comprend rien à ce qu’ils disent mais on est mieux d’en compter quelques-uns à la portée de la main, ça peut toujours servir - c'est comme pour des témoins de Jéhovah, on est aussi bien de les avoir de notre bord, d'un coup qu'ils auraient raison...),
- un philologue (si jamais ça existe encore),
-trois informaticiens, -
un physicien (ils nous ont causé beaucoup d'emmerdements par le passé, mais ce n’est pas une raison pour les bouder),
- un médecin spécialisé dans les cellules souches,
- quelques techniciens et des ajointes en quantité rabelaisienne.


Et la cerise sur le sunday, ce serait évidemment votre très cher et humble Éric Lint, à titre de directeur.
Je serais magnanime.
On croirait rêver.
J'opinerais de la tête à la moindre occasion.

4 commentaires:

Anonyme a dit...

Cher Eric,

Permets-moi de trouver que tu manques un peu d'ambition. Il faut, me semble-t-il, viser l'oeuvre d'art totale :

Ajoutez du Gaudi à vos textes !
Du Le Nôtre !
Du Rembrandt !
Du Morrison...!
Et pourquoi pas (allez, on se lâche lousse) du Grevisse !
Du Montagnais...
Du Cheese Wheeeeezzzzze...
Aaaaaaaaaaaaah!

Et ce n'est que la pointe de l'asperge...

Ta toute dévoyée,

Edith

Éric Lint a dit...

Chère Edith,
vous avez identifié la phase deux de la Chaire de recherche en littérature transgénique. Phase qui consistera justement à prendre des gènes d'une autre forme de représentation et à l'insérer dans des textes littéraires.
Je m'y mets dès que le protocole TRANSLIT m'en donne l'occasion. Et je rêve déjà d'insérer du Klee dans du Kerouac, du Tapies dans du Hesse et du Dubuffet dans du Merleau-Ponty (histoire d'alléger le tout, il va sans dire). En attendant, que voulez-vous, je ne parviens même pas à faire passer un fil dans le chas d'une aiguille. Imaginez alors une asperge...
J'en ai les os glacés.
Et on me dira après que je ne sais pas filer la métaphore.

Anonyme a dit...

Bien cher Prof. Lindt,
D'abord, je voudrais vous dire que vos cours me font l'effet de la truffe de votre grand-père (ou bien c'était votre arrière grand-père ? Vous avez l'air tellement jeune...)
Je me demande une chose. Quand vous parlez de transgénétisme, voulez-vous faire référence à la postiche de Genette ? Me semble que ça se ressemble ?
Aussi, je voudrais vous demander si vous voudriez pas me prendre comme assistante de recherche. J'ai déjà passé un été à travailler dans une serre de tomates et, comme j'étais supposée travailler chez Olymel l'été prochain, et que pour l'instant, ça s'enligne mal, j'ai pensé que je ferais une bonne assistante. Vous savez, le trans, ça me connaît.
Je vous laisse mon code-barre :
LAV23434399
Votre étudiante de première année,
Matty Léveillée

Anonyme a dit...

Cher professeur,
Je sais que vous avez bien d'autres étudiants-es à fouetter, mais je voudrais seulement vous dire que, cet après-midi, lorsque vous nous entretîntes de votre protocole,
vous me tuâtes, vous me fîtes du bien...
Désormais, à l'instar du grand auteur, je pourrai dire que longtemps je me suis couchée de bonheur...
Merci !

Matty Sun Léveillée