Où en étais-je?
J’ai dû aller m’allonger. Un mal de tête « lancinant et pénible ». Qui a des Instantines? Emmanuelle, où es-tu? Foutu copain... Pouvait pas rester célibataire comme tout le monde?
J’associe librement, des flashes de mon enfance remontent, traversent le théâtre de ma conscience, puis se dissolvent dans les brunes de mes oublis. Côté jardin.
La jeune fille dans le corridor. Une journée fériée. Mes pas précipités qui résonnent. Mon retour à la Chaire. Oui, c’est ça!
Quand je suis revenu à la Chaire, la jeune fille était assise sur ma chaise, devant mon écran d’ordinateur, la souris à la main. Non mais, de quel droit! Les boucles d’or ne donnent pas tous les droits, à ce que je sache.
Je ne me suis pas gêné pour l’apostropher. On aurait dit une voleuse…
- Faites comme chez vous, mademoiselle! Je vous en prie…
La jeune fille a rougi. Elle a tenté de s’excuser, a bredouillé des explications, puis elle s’est mise à cafouiller. Je crois que je n’oublie rien.
J’aurais dû la chasser aussitôt et reprendre ce trône qu’on avait tenté de m’usurper pendant ma brève absence, mais je me suis senti magnanime. Et au lieu de jouer au monstre, je me suis fait conciliant. Ha! la jeunesse…
Il ne servait à rien d’enguirlander une gamine, surtout si ses parents étaient membres de mon département. Mieux valait se montrer bon prince. (D'autant plus que je ne veux plus avoir Théodore Surprenant, notre bien aimé directeur sur le dos...)
- Si ça peut vous rassurer, lui ai-je dit, Internet ne fonctionne pas aujourd’hui. Et vous êtes un peu jeune, non, pour fouiller dans les bureaux?
- Je ne volais rien, a-t-elle bafouillé. Je suis perdue et j’attendais votre retour. Vous avez laissé votre porte ouverte.
- Un jour, ça me jouera des tours. Qui est ton papa ou ta maman? Tu les accompagnes aujourd’hui? C’est la Saint-Jean…
- Non. En fait, je cherche mon oncle, il travaille ici. Je crois. Internet ne fonctionne pas?
- Le réseau est mort.
Elle a paru soulagée. Elle s’était levée, et j’ai pu me rasseoir à ma place. Déjà, j’avais repris mes esprits.
- Ton oncle, comment s’appelle-t-il?
- Hubert.
- C’est tout. Hubert, pas de nom de famille?
La jeune fille a paru étonnée. Elle a voulu porter ses mains à sa tête, mais à la dernière seconde, elle s’est arrêtée comme si elle avait quelque chose à cacher.
M’avait-elle volé un crayon?
- Euh… C’est fou, a-t-elle répondu, je ne parviens pas à m’en souvenir. J’ai le nom sur le bout de la langue. Mais, il ne veut pas venir. Je ne sais même plus son nom…
- Ne t’en fais pas. Ton nom à toi, tu t’en souviens?
- Je m’appelle Caroline.
- On va le retrouver ton oncle Hubert. Essaie de ne pas y penser. Les mots, il ne faut pas les regarder de face. Il faut les laisser s’approcher. Et, à la dernière seconde, on les attrape. Tendre un filet à hirondelles ne sert à rien. Ils sont trop futés. Mais ils sont curieux. Alors si tu laisses une pensée à l’orée de ton esprit, une toute petite pensée belle à croquer, ils vont s’approcher et tu pourras les saisir.
- Je ne le retrouverai jamais.
- C’est dommage que le serveur soit bloqué, on aurait pu vérifier sur le site de l’Université. Car des professeurs, il y en a beaucoup! Je ne les connais pas tous. Je ne suis ici que depuis deux ans. Te souviens-tu où il travaille?
- Ici, au troisième étage.
- Au Département des arts du texte?
- Je crois que oui. Il travaille tout le temps. Ça n’arrête jamais. Du moins, c’est ce que dit mon papa.
- Il n’y a pas de Hubert au département. Il y en a déjà eu un, mais il est parti avant que j’arrive, et depuis il n’y en a pas eu d’autres. Tu ne te trompes pas? Réfléchis.
La jeune fille a figé sur place. On aurait dit une statue de cire! Puis, au lieu de répondre, elle m’a demandé à brûle-pourpoint : « Monsieur, qu’est-ce que c’est la littérature transitique? » Comme si j’étais saint-Ex, non mais quand même!
jeudi 18 octobre 2007
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1 commentaire:
J'ai déjà lu ça quelque part. ;o)
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