Et maintenant qu’est-ce que je fais? (il y a sûrement de l’écho…)
J’y touche à nouveau ou je mets le tout dans un sac en plastique scellé que je vais déposer dans une poubelle publique, le plus loin possible de la Chaire?
Je parle du manuscrit de Taramacouta, vouz aurez compris, chère lectrice (les autres, qui ne me lisent pas assidûment, n'ont qu'à retourner au précédent billet, histoire de se rafraîchir la mémoire. Et, la prochaine fois, si ça continue, je fais passer un examen).
Je descends au sous-sol de l’Université et je trouve l’incinérateur le plus près, remettant au feu ce qui n’aurait jamais dû lui échapper?
Je me rends au bord du fleuve et, d’un grand geste de lanceur de relève, je pitche, le mot est précis, le satané manuscrit de Tamaracouta la damnée, espérant qu’il coule au fond de l’eau comme une pierre des champs?
Je m'arrête au bord d'un précipice et, comme un enfant jette négligemment l'enveloppe du chocolat qu'il est en train de déguster, je laisse tomber la masse informe du journal aux pages préalablement détachées dans le vide qui s'ouvre à mes pieds et qui l'avale goulûment, comme le veut la métaphore?
Je vais aux abords de l’autoroute Ville-Marie, la 720, et au moment où un poids lourd passe en trombe, j'abandonne à son destin le journal brûlé qui, frappé de plein fouet par la masse en mouvement du camion, se déchire en mille morceaux qui volètent entre les murs compacts du tunnel?
J’ouvre discrètement la salle du département des arts du texte et je mets en marche la déchiqueteuse à papiers qui a tôt fait de réduire le manuscrit en un ensemble vaste mais fini de languettes de papiers, toutes plus illisibles les unes que les autres?
Je me rends dans une porcherie et donne aux cochons qui s’y trouvent en grand nombre les diverses pages imbuvables du journal à manger, histoire de vérifier que les acides gastriques sont bel et bien capables de passer au travers de la prose corrosive de Tamaracouta?
J’égrène les possibilités, mais dans mon for intérieur, je sais bien ce que je n’ai d’autre choix que de conserver le manuscrit précieusement. Je me sens comme un inventeur au seuil de sa plus belle découverte, et la peur qui me tenaille les intestins n’est qu’un signe avant coureur des merveilles que je risque de découvrir en poussant plus loin mon investigation. Je ne peux détruire le manuscrit de Tamaracouta, cédant comme Faust au chant de Méphistophélès.
Je me dois de faire fructifier cette ressource incroyable, comme on a harnaché les rivières du grand Nord pour en faire de l’électricité.
Il me reste à découvrir comment procéder. Quoi faire pour ne plus m’évanouir comme je l’ai fait cet été.
Je ne veux plus réentendre la voix infecte de cet auteur de malheur qui réapparaît à heure fixe pour me rappeler à l’ordre. Et on s’en fout de sa maudite demande de subvention. Il n’avait qu’à ne pas la commencer. Je ne suis pas responsable de ses décisions, pas plus qu’il ne l’est des miennes.
Voilà, tout est dit.
Le refoulé a été retourné, un peu comme un livre à la bibliothèque, quand on est légèrement en retard. On se sent coupable, mais l'amende, même si elle est ridicule, nous énerve pareil. Il est temps de passer à autre chose.
dimanche 18 novembre 2007
S'abonner à :
Publier des commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Publier un commentaire