Parfois je me sens comme dans un pays lointain, la Suède enneigée ou la pluvieuse Norvège. Des fjords à perte de vue et des couronnes sucrées.
Où en étais-je?
Ah oui…
L’ATN de Berger.
Dès le lendemain, en cachette d’Emmanuelle Alba, que je voulais surprendre avec des résultats qui risquaient d’émerveiller la communauté internationale dans son entier (Suède et Norvège incluses), j’ai commencé à travailler sur le livre de Berger. Je me suis concentré sur les phrases qui comportaient les mots « Adde », « île », « créer », mots lemmatisés comme il se doit. S’il était vrai que l’architecte Saul Adde était un artiste d’une puissance d’imagination inégalée, il devait être possible de récupérer une partie de cette force dans les textèmes du roman.
Je me suis aussi efforcé de récupérer des composants crédibles de l’ATN de J. R. Berger depuis sa signature. J’y ai mis quelques jours, mais je suis arrivé à une séquence qu’il me semblait convenable. J’avais cent cinquante huit paires d’oppositions thémiques, qui se regroupaient aisément en grappes imaginaires d’un poids supérieur aux idées fixes et aux stéréotypes. C’était déjà un résutlat impressionnant. Et c’est avec un enthousiasme fébrile que je me suis attaqué au texte de L’île des Pas perdus, cherchant à faire réagir les textèmes avec les paires thémiques.
J’ai essayé toutes les combinaisons possibles, mais sans succès. Oh! le protocole TRANSLIT, parvenait à s’enclencher et à générer un flux textuel ininterrompu. Mais les phrases produites revenaient au même, une série steinienne de mots sans véritable signification, où les lexèmes «Icare », « craie » et « carie » revenaient sans cesse, des permutations sans signification des mêmes lettres.
C’est à ce moment que je me suis souvenu du journal de Tamaracouta.
Je l’avais scellé et déposé dans le réfrigérateur de la Chaire.
Si mettre du Berger sur du Berger ne donnait que des permutations à l’identique, peut-être qu’en variant les ATN, intégrant celles de la dénommée Tamaracouta par exemple, j’obtiendrais des résultats inattendus.
Je ne perdais rien en essayant, c’était évident.
J’ai sorti le manuscrit plein de suie de son enveloppe plastifiée. J’en ai découpé un très léger segment, à peine quelques syntagmes dans l’une des dernières pages et j’ai commencé à en préparer le traitement.
Il s’agit dans un premier temps de déblanchir la phrase, opération élaborée par le Docteur Racine, que je remercie ici pour son aide précieuse dans le traitement des phrases. Pour ce faire, il s’agit de découper le papier sous le mot, de même que sur le mot, afin de laisser l’impression qu’il flotte littéralement sur la page. Par la suite, on se rend encore plus loin, et il faut séparer le mot de la page, le décoller en quelque sorte des fibres de papier. Cela prend un scalpel d’un type particulier qu’on opère à l’aide de l’ordinateur, pour plus de précision. La lame du scalpel passe sous le mot et le décolle comme une cornée.
Pendant quelques temps le mot flotte librement sur la page et il faut le capter avant qu’il ne se décompose. Il faut faire vite et attention, car on peut facilement se couper avec le bout de la lame du scalpel. Le sang se répand et le manuscrit se trouve taché ce qui n’aide pas à la conservation des mots et de leur potentiel transgénique.
Avec le journal de Tamaracouta, dans mon énervement, j’ai voulu trop rapidement récupérer les mots déblanchis et lévitant sur la page et le bout de mon pouce a effleuré la lame du scalpel et une goutte de mon sang est tombée sur la page brûlée et, par souci de propreté, j’a voulu la ramasser le plus rapidement possible et du bout du mineur j’ai tenté d’essuyer la page maculée et les pores de ma peau sont entrées en contact avec mon sang, mais surtout avec l’encre des mots rédigés par Tamaracouta, et tout s’est mis soudainement à valser et j’ai vu un incendie comme s’il se produisait sous mes yeux et les cheveux noirs de Tamaracouta brûler et j’ai vu l’ombre d’un homme s’avancer en bredouillant des mots incompréhensibles – si j’essaie de me souvenir, je crois que cela ressemble à « sur le bout de la au cœur de la une pensée », un vrai galimatias, je vous jure –, et j’ai vu des étoiles comme quand on reçoit un coup sur la tête et puis c’est tout, vous avez bien lu, c’est tout, vous pouvez arrêer de lire il n’y a plus rien à dire ni à lire je me suis évanoui, comprenez-vous, évanoui, comme on écrase un moustique entre ses deux paumes, schplauck! il n’y a plus qu’un minuscule amas de matière organique. Et quand je m’évanouis, je peux vous le certifier, il ne se passe plus rien dans ma tête sauf de sombres pensées qui ne devraient jamais être partagées, vous pouvez arrêter de lire je vous le demande expressément.
Ah merci, ça va mieux.
J’ai mis le doigt sur une plaie vive et je me suis évanoui. Je suis tombé dans un coma.
Jusqu’à ce que l’auteur m’implore de revenir à la vie.
Et maintenant vous savez tout. Du moins, vous en savez autant que moi.
We’re now even…
Il me reste une question : et maintenant qu’est-ce que je fais?
samedi 17 novembre 2007
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