jeudi 15 mars 2007

Si ça se prend par le nez… non ce n'est pas ça!


J’inaugure aujourd'hui une nouvelle chronique consacrée à l’ignorance que seule une pratique dynamique de la littérature transgénique parviendra à culbuter en temps et lieu.

Or donc, ce mignon petit erratum :

« Lundi dernier, dans la critique de La mouette de Tchekhov, au TNM, nous écrivions que le personnage de Macha campé par Kathleen Fortin faisait mine de "s’envoyer de la cocaïne dans les narines." Il aurait plutôt fallu lire qu’elle prisait du tabac. Nos excuses. »
La Presse, Montréal, mercredi 14 mars 2007, section arts et spectacles, page 2.

Encore heureux que quelqu’un s’en soit rendu compte!

J’imagine aisément la scène : le journaliste de La Presse, assis distraitement dans la salle du TNM sur un banc inconfortable (il faut le dire), voit Macha aspirer vaillamment par le nez une petite poudre qui, de loin, peut facilement paraître blanche... Que fait-il, ce journaliste? Eh! bien, il pense net fret sec à son propre nez et identifie aussitôt ceci et cela... Coca et tabac. Comme sa plume n'est pas loin de ses sinus, il écrit la première chose qui lui passe par le nez, au grand dam (Damn!), j'en suis certain, de la directrice de la noble institution du quartier des spectacles. N’en pouvant plus de l’incurie généralisée, elle a sûrement dû péter les plombs et envoyer une bordée de bois vert au journal.

Ne me remerciez pas…

vendredi 2 mars 2007

G. Astrid Stain


Un correspondant éloigné (ça se glisse bien dans la conversation, vous ne trouvez pas? Ça entretient le mystère. Eric Lint a des relations! Et internationales, à part ça! Il entretient des relations épistolaires avec des personnages partis prêcher de par des pays perdus [que de « p »!]. Et il reçoit encore des lettres en cette ère où le virtuel domine!
En voilà une énigme pour notre siècle : comment une chose aussi ineffable que le virtuel pourrait-elle dominer quoi que ce soit. That is the question!).
Or donc, un correspondant, mis au fait de mes plus récents travaux, m’a envoyé toutes affaires cessantes quelques exemples d’exercices d’une dame qui aurait, semble-t-il, vécu à début du siècle précédent (le vingtième, si ça se trouve) et qui aurait, malgré l’état précaire de la science et des technologies à cette époque, anticipé les développements de la littérature transgénique.
Elle aurait exploré, à la mitaine comme le dit mon correspondant qui a la langue bien pendue et la plume aiguisée, la production automatisée de textes, forgeant des documents à partir de suites prédéterminées de termes.
Les résultats sont difficiles à lire et ils manquent de ce sens de l’à-propos qui distingue les œuvres d’art des maigres tentatives des tâcherons de la littérature, mais il y a quelque chose de réconfortant à savoir que déjà, bien longtemps avant ma petite personne et ma chaire de dimension réduite (elle s’enfle ma chaire, ne vous inquiétez pas!), on a cherché à faire du transgénisme, et que, malgré la faiblesse des résultats, un matériau de première importance a su me rejoindre, matériau qui me permettra peut-être de comprendre ce qui, dans mes propres entreprises infructueuses, continue à aller de travers. C’est en se comparant qu’on se console, comme on dit, et je suis désolé de vous assommer avec cette lapalissade.
Voici donc un extrait d’exercice de cette dénommée G. Astrid Stain (il se peut aussi que j’aie mal lu ce nom, la calligraphie de mon correspondant étant on ne peut plus ardue à déchiffrer; ça pourrait tout aussi bien se lire « Gertrude Stem » ou « Bertrand Stein »… Mais je préfère de loin un nom en tache qu’un nom en tronc ou en pierre, si vous voyez ce que je veux dire).
Je vous préviens, il faut s’attacher!

Je cite :

« Il y a beaucoup de variétés d’hommes, de chaque variété d’eux il y a plusieurs millions d’eux, plusieurs millions faits pour ressembler aux autres de cette même variété d’eux, de quelques variété d’eux il y a plus de millions faits pour ressembler aux autres de telle variété qu’il y a de millions faits pour ressembler aux autres de telles variétés d’hommes. Peut-être n’est-ce pas exactement vrai de telles variétés d’eux, peut-être il y a plus de millions de telles variétés d’hommes qu’il y a de millions de telles autres variétés peut-être on pense une telle chose de quelques variétés d’hommes seulement parce que dans quelques variété d’hommes il y a plus, dans chacune de telle variété, plus, dans les plusieurs millions de telle variété d’eux, de sentiment d’individualité dans chaque homme de telle variété d’eux. Peut-être dans telles variétés d’hommes il y en a beaucoup plus dans les plusieurs millions de leur variété d’eux, il y en a beaucoup plus qui ont en eux un sentiment d’individualité fortement existant, que dans telles autres variétés d’hommes, variétés d’hommes dont il n’y a pas plus de millions faits pour se ressembler qu’il n’y en a de cette variété-là d’hommes. »

C’est quelque chose, n’est-ce pas!
Les Américains n’en auraient pas fabriqué de plus beau.
Et vous comprenez que seule une machine, aussi rudimentaire fût-elle, pouvait arriver à de tels résultats. J’imagine qu’elle s’est servi d’un boulier ou d’une chaudière à vapeur. Il y a du démon de Maxwell là-dedans! Ou du Marconi.
Le plus étonnant, selon mon correspondant, est l’existence de centaines et de centaines de pages de cet acabit, une interminable logorrhée de mots.
Si j’avais été le chef de ce laboratoire primitif (mais en tous points précurseur de mes propres travaux), j’aurais arrêté le test dès les premières pages, mais les normes ont beaucoup évolué depuis un siècle, il faut le dire.

Tout de même, quels résultats!

Ce texte ressemble tellement à certains de mes propres résultats préliminaires que j’en suis sidéré. J’ai des terabytes de disque dur et de la mémoire vive à faire mourir d’envie le premier des aèdes, et pourtant je n’arrive même pas à dépasser les résultats obtenus par je ne sais quel procédé préhistorique!

Je sens que je dois me retrousser les manches.