dimanche 18 novembre 2007

Dernier tesson

Et maintenant qu’est-ce que je fais? (il y a sûrement de l’écho…)

J’y touche à nouveau ou je mets le tout dans un sac en plastique scellé que je vais déposer dans une poubelle publique, le plus loin possible de la Chaire?

Je parle du manuscrit de Taramacouta, vouz aurez compris, chère lectrice (les autres, qui ne me lisent pas assidûment, n'ont qu'à retourner au précédent billet, histoire de se rafraîchir la mémoire. Et, la prochaine fois, si ça continue, je fais passer un examen).

Je descends au sous-sol de l’Université et je trouve l’incinérateur le plus près, remettant au feu ce qui n’aurait jamais dû lui échapper?

Je me rends au bord du fleuve et, d’un grand geste de lanceur de relève, je pitche, le mot est précis, le satané manuscrit de Tamaracouta la damnée, espérant qu’il coule au fond de l’eau comme une pierre des champs?

Je m'arrête au bord d'un précipice et, comme un enfant jette négligemment l'enveloppe du chocolat qu'il est en train de déguster, je laisse tomber la masse informe du journal aux pages préalablement détachées dans le vide qui s'ouvre à mes pieds et qui l'avale goulûment, comme le veut la métaphore?

Je vais aux abords de l’autoroute Ville-Marie, la 720, et au moment où un poids lourd passe en trombe, j'abandonne à son destin le journal brûlé qui, frappé de plein fouet par la masse en mouvement du camion, se déchire en mille morceaux qui volètent entre les murs compacts du tunnel?

J’ouvre discrètement la salle du département des arts du texte et je mets en marche la déchiqueteuse à papiers qui a tôt fait de réduire le manuscrit en un ensemble vaste mais fini de languettes de papiers, toutes plus illisibles les unes que les autres?

Je me rends dans une porcherie et donne aux cochons qui s’y trouvent en grand nombre les diverses pages imbuvables du journal à manger, histoire de vérifier que les acides gastriques sont bel et bien capables de passer au travers de la prose corrosive de Tamaracouta?

J’égrène les possibilités, mais dans mon for intérieur, je sais bien ce que je n’ai d’autre choix que de conserver le manuscrit précieusement. Je me sens comme un inventeur au seuil de sa plus belle découverte, et la peur qui me tenaille les intestins n’est qu’un signe avant coureur des merveilles que je risque de découvrir en poussant plus loin mon investigation. Je ne peux détruire le manuscrit de Tamaracouta, cédant comme Faust au chant de Méphistophélès.

Je me dois de faire fructifier cette ressource incroyable, comme on a harnaché les rivières du grand Nord pour en faire de l’électricité.

Il me reste à découvrir comment procéder. Quoi faire pour ne plus m’évanouir comme je l’ai fait cet été.

Je ne veux plus réentendre la voix infecte de cet auteur de malheur qui réapparaît à heure fixe pour me rappeler à l’ordre. Et on s’en fout de sa maudite demande de subvention. Il n’avait qu’à ne pas la commencer. Je ne suis pas responsable de ses décisions, pas plus qu’il ne l’est des miennes.

Voilà, tout est dit.

Le refoulé a été retourné, un peu comme un livre à la bibliothèque, quand on est légèrement en retard. On se sent coupable, mais l'amende, même si elle est ridicule, nous énerve pareil. Il est temps de passer à autre chose.

samedi 17 novembre 2007

Troisième tesson

Parfois je me sens comme dans un pays lointain, la Suède enneigée ou la pluvieuse Norvège. Des fjords à perte de vue et des couronnes sucrées.

Où en étais-je?
Ah oui…
L’ATN de Berger.

Dès le lendemain, en cachette d’Emmanuelle Alba, que je voulais surprendre avec des résultats qui risquaient d’émerveiller la communauté internationale dans son entier (Suède et Norvège incluses), j’ai commencé à travailler sur le livre de Berger. Je me suis concentré sur les phrases qui comportaient les mots « Adde », « île », « créer », mots lemmatisés comme il se doit. S’il était vrai que l’architecte Saul Adde était un artiste d’une puissance d’imagination inégalée, il devait être possible de récupérer une partie de cette force dans les textèmes du roman.

Je me suis aussi efforcé de récupérer des composants crédibles de l’ATN de J. R. Berger depuis sa signature. J’y ai mis quelques jours, mais je suis arrivé à une séquence qu’il me semblait convenable. J’avais cent cinquante huit paires d’oppositions thémiques, qui se regroupaient aisément en grappes imaginaires d’un poids supérieur aux idées fixes et aux stéréotypes. C’était déjà un résutlat impressionnant. Et c’est avec un enthousiasme fébrile que je me suis attaqué au texte de L’île des Pas perdus, cherchant à faire réagir les textèmes avec les paires thémiques.
J’ai essayé toutes les combinaisons possibles, mais sans succès. Oh! le protocole TRANSLIT, parvenait à s’enclencher et à générer un flux textuel ininterrompu. Mais les phrases produites revenaient au même, une série steinienne de mots sans véritable signification, où les lexèmes «Icare », « craie » et « carie » revenaient sans cesse, des permutations sans signification des mêmes lettres.

C’est à ce moment que je me suis souvenu du journal de Tamaracouta.
Je l’avais scellé et déposé dans le réfrigérateur de la Chaire.
Si mettre du Berger sur du Berger ne donnait que des permutations à l’identique, peut-être qu’en variant les ATN, intégrant celles de la dénommée Tamaracouta par exemple, j’obtiendrais des résultats inattendus.
Je ne perdais rien en essayant, c’était évident.
J’ai sorti le manuscrit plein de suie de son enveloppe plastifiée. J’en ai découpé un très léger segment, à peine quelques syntagmes dans l’une des dernières pages et j’ai commencé à en préparer le traitement.

Il s’agit dans un premier temps de déblanchir la phrase, opération élaborée par le Docteur Racine, que je remercie ici pour son aide précieuse dans le traitement des phrases. Pour ce faire, il s’agit de découper le papier sous le mot, de même que sur le mot, afin de laisser l’impression qu’il flotte littéralement sur la page. Par la suite, on se rend encore plus loin, et il faut séparer le mot de la page, le décoller en quelque sorte des fibres de papier. Cela prend un scalpel d’un type particulier qu’on opère à l’aide de l’ordinateur, pour plus de précision. La lame du scalpel passe sous le mot et le décolle comme une cornée.
Pendant quelques temps le mot flotte librement sur la page et il faut le capter avant qu’il ne se décompose. Il faut faire vite et attention, car on peut facilement se couper avec le bout de la lame du scalpel. Le sang se répand et le manuscrit se trouve taché ce qui n’aide pas à la conservation des mots et de leur potentiel transgénique.
Avec le journal de Tamaracouta, dans mon énervement, j’ai voulu trop rapidement récupérer les mots déblanchis et lévitant sur la page et le bout de mon pouce a effleuré la lame du scalpel et une goutte de mon sang est tombée sur la page brûlée et, par souci de propreté, j’a voulu la ramasser le plus rapidement possible et du bout du mineur j’ai tenté d’essuyer la page maculée et les pores de ma peau sont entrées en contact avec mon sang, mais surtout avec l’encre des mots rédigés par Tamaracouta, et tout s’est mis soudainement à valser et j’ai vu un incendie comme s’il se produisait sous mes yeux et les cheveux noirs de Tamaracouta brûler et j’ai vu l’ombre d’un homme s’avancer en bredouillant des mots incompréhensibles – si j’essaie de me souvenir, je crois que cela ressemble à « sur le bout de la au cœur de la une pensée », un vrai galimatias, je vous jure –, et j’ai vu des étoiles comme quand on reçoit un coup sur la tête et puis c’est tout, vous avez bien lu, c’est tout, vous pouvez arrêer de lire il n’y a plus rien à dire ni à lire je me suis évanoui, comprenez-vous, évanoui, comme on écrase un moustique entre ses deux paumes, schplauck! il n’y a plus qu’un minuscule amas de matière organique. Et quand je m’évanouis, je peux vous le certifier, il ne se passe plus rien dans ma tête sauf de sombres pensées qui ne devraient jamais être partagées, vous pouvez arrêter de lire je vous le demande expressément.

Ah merci, ça va mieux.
J’ai mis le doigt sur une plaie vive et je me suis évanoui. Je suis tombé dans un coma.
Jusqu’à ce que l’auteur m’implore de revenir à la vie.
Et maintenant vous savez tout. Du moins, vous en savez autant que moi.
We’re now even…

Il me reste une question : et maintenant qu’est-ce que je fais?

jeudi 15 novembre 2007

Deuxième tesson

Mes oublis… Comment dire, mes absences!

Un coup de foudre s’est abattu sur ma personne transformant ce pauvre Éric, bibi, en Thésée égaré sans Ariane dans le labyrinthe de ses souvenirs perdus. Pff!

J’ai mis le bout de l’index droit sur un mot et, zap!, un rire solennel a suivi ma descente aux enfers où Hadès m’a accueilli à bras ouverts, m’offrant son plus beau siège, un noble banc de bois recouvert de vignes qui serpentaient de ses pattes au dossier. Après, je le jure, je ne me souviens de rien.
J’ai encore mal aux fesses, comme si on m’avait arraché quelque chose, mais bon, je préfère ne pas entrer dans le détail.

En partant, la jeune fille, Caroline, que son papa a récupérée dans une effusion d’émotions tout aussi exubérante qu’attendue, m’a laissé un cadeau. Un double cadeau.
Elle n’a pas fait exprès, j’en mettrais ma main au feu. Quand son père est arrivé, elle était encore au clavier en train de raconter ses aventures et tâcher de faire revivre son amie morte. Au moment de partir, au lieu de ramasser ses deux livres, elle a choisi plutôt de retourner à l’ordinateur et de s’envoyer par courriel son texte, histoire de ne rien perdre de son histoire justement, les mots se passent le bâton, je vous assure.
Quel étrange siècle… On s’envoie maintenant à soi-même les missives qu’on ne veut pas perdre!

Saisissez-vous les conséquences de cette dernière phrase?
Non?
Chère lectrice, non, ce n'est pas ça... Mes jeux de mots n'ont pas pris un mauvais tournant après mon sommeil sans âme prolongé. Ils étaient déjà comme ça avant. Et je m’insurge contre votre évaluation de mes talents d’écrivain. Selon vous, j’aurais dû décrire en long et en large la scène de réunion de Caroline et de son père, entrer dans les détails de leurs émotions confuses et conflictuelles. Peindre un portrait saisissant de cette réunion dans les couloirs stériles de mon Département des arts du texte. Grossir les traits pour émouvoir mon lecteur, qui en a vu d’autres. Mais je sais de source sûre – c’est J. R. Berger lui-même qui me l’a dit – que la retenue était, dans ce cas-ci, nécessaire et requise de toute urgence. Et je ne joue pas avec les émotions des autres, j'ai assez de difficulté à m’occuper des miennes.



Que disais-je donc avant qu’on interrompe de si inopportune façon? Ah oui… Le cadeau. Caroline a laissé traîner sur mon bureau, tout près du clavier blanc de mon ordinateur principal, les deux volumes qu’elle transportait avec elle.
Il y avait bien sûr les restes du roman de son papa, L’île des Pas perdus, en partie brûlé; et, vous vous en doutez, le cahier de son amie Tamaracouta.
J’aurais dû dès le départ jeter ces deux cadeaux empoisonnés aux poubelles, mais je ne l'ai pas fait. J’ai préféré plutôt vaporisé du Lysol dans mon local, afin de cacher l’odeur de brûlé que les deux codex exhalaient.
Je les ai conservés.
CONSERVÉS.

Et j’ai décidé de m’en servir. De les passer au protocole TRANSLIT.
Ce n’est pas tous les jours, voyez-vous, que j’ai droit à des manuscrits. Que dis-je: à des manuscrits de première génération. Écrits de la main même de l’auteur. Le journal de Tamaracouta n’est pas publié, on ne parle pas d'Anne Frank, je vous l’accorde. Mais, si je devais en croire Caroline, il y avait là un manuscrit d’une étonnante puissance. Un manuscrit où le texte et le monde étaient en parfaite harmonie.
Je ne le crois pas vraiment, j’ai trop vu neiger pour ça. Mais, tout de même, un manuscrit presque vierge, même si en partie carbonisé, ça ne court pas les rues...

Et le roman de ce J. R. Berger valait bien un Jacques Ferron ou un Lewis Carroll, si je déchiffrais correctement le quatrième de couverture. Pas de fausse modestie.

J’ai toujours aimé les îles, il était donc facile de jeter mon dévolu sur ce roman. Et j’en connaissais l’auteur, je lui avais serré la main. J’avais même son adresse, écrite de sa propre main. Si je faisais attention, je pouvais récupérer une partie de son ATN.

ATN?
Chère lectrice, ton ignorance me surprend toujours.
Acide textuo-nucléïque…
Les particules élémentaires de l’identité auctoriale.
Une vraie mine d’or.


Et je me suis mis à la tâche…

samedi 3 novembre 2007

Le livre brûlé

J’ai des absences, je l’avoue.
Je ferme les yeux et je disparais, littéralement, de la face de la terre.
Mon esprit part à l’aventure, je croise des paysages hallucinés faits de voiles noirs, de cahiers rouges, d'idiots qui ne parviennent pas à compléter leurs phrases, de maisons de feuilles, de démons et d'enfants qui avalent des grenouilles. Vivantes.
C’est confus, sombre aussi parfois, et très dense.
Nathaniel, Paul, William, Mark, Fyodor et John. Ce sont mes apôtres.
Et j'ai les mains gercées.

Quand je me frotte les yeux, un feu s’allume et je vois un livre brûler. Un autodafé imaginaire. Mais la brûlure est réelle.
Je commence à recoller les morceaux.

TESSON N°1
Caroline.
Le premier éclat, c'est Caroline, cette jeune fille qui est passée à mon bureau. J’ai déjà commencé à le raconter. Mais elle est revenue, et quel cadeau elle m’a laissé! Quel cadeau… Ma vie n’est plus la même depuis.
Je travaillais d’arrache-pied à compléter mon expérimentation sur un hypnotexte, le treizième de la série, je crois, quand elle est réapparue. Un peu plus sale, ses cheveux totalement dépeignés, les joues rougies par l’épuisement. Elle sentait la suie.
Dessine-moi une couleuvre, m’a-t-elle demandé. Et moi, l’idiot, je l’ai avalée. Je l’ai avalée. Je l’ai avalée.

- Vous m’avez dit que vous pouviez changer les histoires, m’a-t-elle supplié en entrant. Leur ajouter des choses, modifier la fin ou le début.

Et moi, j’ai acquiescé. C’est le propre du protocole TRANSLIT de modifier les textes. Je ne pouvais pas dire le contraire…
Elle a sorti de sa poche un étrange cahier. Un Canada, aux pages désuètes. Les bords en étaient brûlés, la couverture maculée, le tout sentait affreusement mauvais.

Elle l’a déposé sur ma table, dans un geste de défiance.
- C’est un journal, m’a-t-elle confié. C’est le journal de Tamaracouta.
- C’est quoi, un nom de rue?
- Non. C’était mon amie. Elle connaissait l’heure de sa mort et a tout raconté là-dedans. Tout est vrai. Je l’ai lu et je l’ai connue. Elle est morte exactement comme elle l’a écrit.
- C’est plutôt incroyable, lui ai-je répondu, sceptique. J’ai beau croire à la littérature transgénique, ça ne fait pas de moi une valise.
- C’est un livre magique! m’a-t-elle affirmé du haut de ses onze ans.

C’était, comment dire, émouvant ou alors amusant. Je ne sais plus.

-Tamaracouta et son texte ne font qu’une seule et même personne. Et je me suis dit, puisque vous transformez les romans pour les améliorer, que vous pouviez changer celui-ci. Transformer la fin, par exemple.
- Ça ne se fait pas comme ça, en un tour de main!
- Modifier la fin, en laissant vivre Tamaracouta.
- Pardon?
- Il pourrait y avoir un incendie, comme le dit Tamaracouta, elle pourrait se faire frapper par une commode, comme il arrive, mais au lieu de mourir, elle serait inconsciente et son amie pourrait venir la sauver.
- Son amie?
- Moi.
- Trouver une fin heureuse…
- OUI! C’est important les fins heureuses. Vous pourriez modifier le texte et, comme le livre est magique, elle revivrait.
- Comme dans un conte?
- Non, je veux dire pour vrai. Tamaracouta ne mourrait pas à la fin de la rédaction de son journal.
- Ce n’est pas possible!
- Elle est toute dans son texte, a-t-elle continué. Ils sont liés l’un à l’autre. C’est comme la langue au paradis terrestre. Mon papa l’a dit. Connaître le nom des animaux, c’était connaître les animaux eux-mêmes. Il n’y avait pas de différence entre les deux. C’est la même chose avec Tamaracouta et son journal. Si on le transforme lui, on peut la faire revivre elle.
- C’est que nous sommes loin du paradis. Ça n’a jamais été attesté. Nous ne saurons jamais comment était le paradis.
- Je ne peux rien faire pour toi, ai-je fini par lui annoncer. Je peux changer des mots, améliorer des textes, mais je ne peux faire revivre des personnes décédées. Je ne peux pas changer le passé. Même si je parvenais à transformer le journal de ton amie, je ne pourrais pas la faire revivre.

J’ai cru qu’elle repartirait comme la première fois, se sauvant dès que je me lèverais. Mais elle était épuisée et quand je lui ai offert une chaise, elle n’a pas décliné l’offre.
Je me suis dépêché de la distraire…
J’avais le numéro de téléphone de son père et je voulais le rejoindre pour lui annoncer la bonne nouvelle : sa fille était revenue.
Je lui ai un baratin sur la littérature et la capacité que nous avions tous de faire revivre les gens en écrivant des textes qui les mettent en scène. Je passe sur les détails, on trouvera tout ça en librairie, mais le résultat en a été que Caroline s’est approchée de mon ordinateur et a déposé ses doigts crasseux sur mon beau clavier blanc.
Et surtout, SURTOUT!, elle a placé un deuxième cahier à côté d’elle. Ce n’était pas un journal, mais des parties d’un livre. Parties elles aussi carbonisées. Elle avait dû les ramasser dans le brasier qui avait tué son amie. Je ne l'affirme pas, je l'infère.

J’aurais bien vaporisé un peu de Lysol, mais le temps pressait.

Pendant que je téléphonais à son père qui devait être en train de devenir fou – imaginez, sa fille unique était partie depuis deux dodos! –, je me suis approché du livre. Je l’ai déplacé légèrement, histoire d’en examiner la page couverture. Ma surprise a été grande de reconnaître le titre d’un livre de son père.
Caroline avait sur elle une copie brûlée du récit de J. R. Berger, L’île des Pas perdus.
Pour une fugueuse, quel étrange choix…


vendredi 2 novembre 2007



Éric,

t'es-tu rendormi?

Es-tu reparti errer sur les terres du rêve et de l'ineptie?

C'est pas le moment, j'te jure.

Tu devrais voir ce que le monstre a pondu comme crottes ces derniers jours. Des modules comme de gros furoncles pestilentiels. On se croirait dans un film d'horreur de série B, quand la jeune fille seule dans sa grande maison vient de se dévêtir et s'apprête à prendre un bain, une douche ou un verre de lait. Nous savons tous qu'une jeune fille se rend toujours au réfrigérateur en petite tenue, surtout quand le monstre veille derrière la fenêtre.

Je me suis beaucoup intéressé au labyrinthe, mais j'te jure, j'avais jamais prévu passer de la théorie à la pratique... Le labyrinthe virtuel du monstre. Je me sens perdu et mes Arianes ne suffisent plus à la tâche. J'ai l'impression d'être un gros poisson qu'on tente de ramener à la surface. Un flétan d'un trentaine de livres au moins. Le fil est sur le point de lâcher et le moulinet grince.

Grince, grince, grince...

Le bateau tangue, la mer bientôt se lèvera et la métaphore soufflera comme une tempête (ou quelque chose du genre).


Bon, allez, réveille.

L'auteur (dans un brève réapparition)

mardi 23 octobre 2007

Stupeur et tremblements!



Je te dois des excuses, chère lectrice.
Il appert que l’image qui est longtemps restée dans mon esprit, au point que j’ai dû la publier pour amorcer le processus de séparation, cette image que tu as vue apparaître dans mon billet du 16 octobre n’était pas le fruit de mon musement après tout, mais le recto d’une carte postale!

J’ai retrouvée ladite carte dans le premier tiroir du bureau de la Chaire et c’est consterné que j’ai plongé mon regard dans cette faille béante qui s’ouvre quand les pupilles cherchent à s’ajuster à la noirceur.
Quoi?
Ce n’était pas un rêve, mais une photographie de David Lynch et, qui plus est, la carte postale tirée de l’exposition qui lui a été consacrée à Paris. Et, attendez, vous ne savez pas tout! Qui l’a envoyée? Qui? Je vous le donne en mille… Oui, stupeur et tremblements, nulle autre que Victoria W.
La Victoria W!
L’écrivaine en résidence au département des arts du texte à l’UVAM! L’érotomane en personne.
Quand j’ai retourné la carte et que j’ai aperçu l’écriture gracile de Victoria, j’en ai eu des palpitations, des sueurs, et un étonnant cas de transpiration qui a laissé un odeur aigre dans le local de la Chaire.
Victoria W m’a écrit. La carte en est la preuve.
Elle m’a écrit à moi, Éric Lint, titulaire de chaire, ignare parmi les sots, adepte du bowling et des chips au ketchup…
Éric Lint, faible inventeur d’une littérature censée vaincre tous les maux liés à l’illettrisme contemporain. Des mots pour les maux, comme on a dit.
Et elle, grande star devant l’Éternel, dont les écrits sont lus jusqu’en Suisse! Et que sais-je encore, en Lituanie!
Et je ne lui ai même pas redonné sa tasse!

Emmanuelle Alba m’a expliqué que j’avais reçu la carte pendant mon musement sans fin. Elle me l’avait montrée régulièrement dans mes moments d’absence, espérant me ramener sur le plancher des vaches. Cela explique pourquoi l’image est restée gravée dans mon cerveau.
J’ai été infecté comme par un message subliminal.

Lectrice, que dois-je faire?
Je suis deux fois en dette! Deux fois, mon père, j’ai péché par abstinence.
Je suis perplexe.
Et les « Je vous salue, Marie » ne servent pas à grand chose.
J’ai essayé.

dimanche 21 octobre 2007

Et ce n'est pas tout!

Reprenons.

J’ai la mémoire en compote.
À tout instant, une lumière vive inonde mon palais et je me retrouve dans un sombre labyrinthe. Je dois faire des efforts pour me souvenir.
Je me rappelle avoir expliqué à la jeune fille – son nom ne peut tout de même pas m’échapper, attendez, oui, ça me revient, c'est ça, oui, Caroline, je l’ai, elle s’appelle Caroline –, les principes de la littérature transgénique. Elle a été très étonnée du fait qu’on pouvait changer les histoires selon sa volonté.

- C’est ridicule, m’a-t-elle répondu. Les histoires, ça ne se change pas. C’est comme un carambolage. Ça ne se défait pas. C’est coulé dans le béton.
(Je ne garantis pas à 100% l'exactitude de cet échange, je fais du mieux que je peux. Ce n'est pas comme si j'avais un texte qu'il me suffisait de recopier d'un clic de souris...)
- Je ne sais pas pour les carambolages, lui ai-je répondu, sans perdre mon sang-froid, mais les histoires, on peut toujours changer celles qu’on n’aime pas. Transformer la fin. Modifier des chapitres. Ajouter des couleurs imprévues. Faire revivre des personnages.
- Un personnage, quand c’est mort, c’est mort.
- Pas toujours. On peut ajuster les romans pour qu’ils répondent à nos besoins et à nos goûts. Littéralement. Et sans rien perdre de la qualité initiale des textes! Je vais sauver la littérature! Pense, si je t’offrais un roman qui répondait parfaitement à tes attentes, pourrais-tu résister à sa lecture!

À ces mots, je te le jure, chère lectrice, la jeune fille a eu de la difficulté à retenir ses larmes. C'était émouvant.
- Et ton papa, lui ai-je demandé attendri, où est-il? Si on ne peut trouver ton oncle, on peut au moins téléphoner à tes parents. Ça sera facile. Téléphonons à tes parents. Internet ne fonctionne pas, mais le téléphone, lui, n’est pas coupé.
Je me suis levé, m’approchant délicatement de la jeune enfant. Je lui ai offert ma chaise, tenant le combiné du téléphone à la main. Elle a paru subitement nerveuse. Et avant même que je puisse réagir, elle a pris ses jambes à son cou. Elle s’est levée d’un bond et s’est lancée, avec son sac à dos, dans le couloir.
Je n’ai pas tenté de la pourchasser, même si l’idée a traversé mon esprit. J’ai déposé plutôt le combiné du téléphone et me suis remis benoîtement au travail.

Mais, attendez! Ce n’est pas tout. Car il y a une suite.
Un deuxième acte, si vous voulez.
Rideaux!

jeudi 18 octobre 2007

Transitique, asteure!

Où en étais-je?

J’ai dû aller m’allonger. Un mal de tête « lancinant et pénible ». Qui a des Instantines? Emmanuelle, où es-tu? Foutu copain... Pouvait pas rester célibataire comme tout le monde?

J’associe librement, des flashes de mon enfance remontent, traversent le théâtre de ma conscience, puis se dissolvent dans les brunes de mes oublis. Côté jardin.
La jeune fille dans le corridor. Une journée fériée. Mes pas précipités qui résonnent. Mon retour à la Chaire. Oui, c’est ça!

Quand je suis revenu à la Chaire, la jeune fille était assise sur ma chaise, devant mon écran d’ordinateur, la souris à la main. Non mais, de quel droit! Les boucles d’or ne donnent pas tous les droits, à ce que je sache.
Je ne me suis pas gêné pour l’apostropher. On aurait dit une voleuse…
- Faites comme chez vous, mademoiselle! Je vous en prie…
La jeune fille a rougi. Elle a tenté de s’excuser, a bredouillé des explications, puis elle s’est mise à cafouiller. Je crois que je n’oublie rien.
J’aurais dû la chasser aussitôt et reprendre ce trône qu’on avait tenté de m’usurper pendant ma brève absence, mais je me suis senti magnanime. Et au lieu de jouer au monstre, je me suis fait conciliant. Ha! la jeunesse…
Il ne servait à rien d’enguirlander une gamine, surtout si ses parents étaient membres de mon département. Mieux valait se montrer bon prince. (D'autant plus que je ne veux plus avoir Théodore Surprenant, notre bien aimé directeur sur le dos...)
- Si ça peut vous rassurer, lui ai-je dit, Internet ne fonctionne pas aujourd’hui. Et vous êtes un peu jeune, non, pour fouiller dans les bureaux?
- Je ne volais rien, a-t-elle bafouillé. Je suis perdue et j’attendais votre retour. Vous avez laissé votre porte ouverte.
- Un jour, ça me jouera des tours. Qui est ton papa ou ta maman? Tu les accompagnes aujourd’hui? C’est la Saint-Jean…
- Non. En fait, je cherche mon oncle, il travaille ici. Je crois. Internet ne fonctionne pas?
- Le réseau est mort.
Elle a paru soulagée. Elle s’était levée, et j’ai pu me rasseoir à ma place. Déjà, j’avais repris mes esprits.
- Ton oncle, comment s’appelle-t-il?
- Hubert.
- C’est tout. Hubert, pas de nom de famille?
La jeune fille a paru étonnée. Elle a voulu porter ses mains à sa tête, mais à la dernière seconde, elle s’est arrêtée comme si elle avait quelque chose à cacher.
M’avait-elle volé un crayon?
- Euh… C’est fou, a-t-elle répondu, je ne parviens pas à m’en souvenir. J’ai le nom sur le bout de la langue. Mais, il ne veut pas venir. Je ne sais même plus son nom…
- Ne t’en fais pas. Ton nom à toi, tu t’en souviens?
- Je m’appelle Caroline.
- On va le retrouver ton oncle Hubert. Essaie de ne pas y penser. Les mots, il ne faut pas les regarder de face. Il faut les laisser s’approcher. Et, à la dernière seconde, on les attrape. Tendre un filet à hirondelles ne sert à rien. Ils sont trop futés. Mais ils sont curieux. Alors si tu laisses une pensée à l’orée de ton esprit, une toute petite pensée belle à croquer, ils vont s’approcher et tu pourras les saisir.
- Je ne le retrouverai jamais.
- C’est dommage que le serveur soit bloqué, on aurait pu vérifier sur le site de l’Université. Car des professeurs, il y en a beaucoup! Je ne les connais pas tous. Je ne suis ici que depuis deux ans. Te souviens-tu où il travaille?
- Ici, au troisième étage.
- Au Département des arts du texte?
- Je crois que oui. Il travaille tout le temps. Ça n’arrête jamais. Du moins, c’est ce que dit mon papa.
- Il n’y a pas de Hubert au département. Il y en a déjà eu un, mais il est parti avant que j’arrive, et depuis il n’y en a pas eu d’autres. Tu ne te trompes pas? Réfléchis.

La jeune fille a figé sur place. On aurait dit une statue de cire! Puis, au lieu de répondre, elle m’a demandé à brûle-pourpoint : « Monsieur, qu’est-ce que c’est la littérature transitique? » Comme si j’étais saint-Ex, non mais quand même!

mardi 16 octobre 2007

Génération Web 2.0

Pendant que j'y suis, quand je me suis éveillé de ce sommeil sans âme qui a duré tout l'été (mais où ai-je été? où?), une vérité m'a frappé de plein fouet: le prochain groupe démographique sera désigné par le syntagme "génération Web 2.0".
Après la génération x, la génération y, la génération lyrique et tutti quanti, viendra la génération Web 2.0.
Vous l'aurez lu ici pour la première fois.

Et pour enfoncer le clou, vous me permettrez de le répéter une bonne cinquantaine de fois, histoire de marquer non pas les consciences, mais les moteurs de recherche.
Ô toi, grand dieu Google!
Fais-moi exister!
Amène-moi au premier rang des résultats de recherche!

(ne lisez pas ce qui suit, c'est purement mécanique)
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Et vous pourrez dire: je l'ai lu sur la Chaire du professeur Lint.
Ne me remerciez pas.
Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai cette image en tête depuis quelque temps. Je n'arrive pas à m'en débarrasser. Et j'entends une voix qui me demande de la transmettre. Sans arrêt. Je vous jure. J'ai résisté, mais je n'en puis plus.
Voilà! C'est fait.
Ô chastes yeux, fermez-vous le temps que cette image délétère se noie dans le grand purgatoire du cyberespace.
Amen.

Écriture génétiquement modifiée



Je ne sais pas qui sont ces gens, ni qui est cette Natasha Beaulieu (j'ai demandé à Emmanuelle Alba si elle connaissait, mais elle a fait la moue [sans r, sans blague!], l'air de dire "non, mais on s'en fout!" [sans re, restons poli...]). Je me dis tout de même que son idée d'une écriture génétiquement modifiée s'intègre parfaitement aux projets de la Chaire. À investiguer.
C'est sûrement une écrivaine de la génération Web 2.0!

dimanche 14 octobre 2007

L'arrivée du train

Que de poussière à la Chaire!

Mes écrans sont recouverts d’une fine couche de gris.
La tasse de Victoria W – j’étais certain pourtant de la lui avoir remise! Que s’est-il passé? Où ai-je été? – a laissé un cercle parfait sur mon bureau, comme une ombre inversée, quand je l’ai déplacée.
Une ombre blanche.
Je dois tâcher de me souvenir.

Tout allait bien pourtant, mais le train a déraillé.
L’arrivée du train dans la gare de La Ciotat n’a jamais eu lieu…
Fermez les lumières avant que les ampoules n'explosent.

Je devais me rendre à la conférence d’Eduardo Kac au MASTEVI.
Oui. Je tiens un fil.
J’avais le vague projet de hum… emprunter le Kac le temps d’une démonstration de mon savoir-faire. Ai-je été frappé à la tête lors de l’échauffourée qui a suivi le kidnapping? J’avance ceci à titre d’hypothèse, mais ça me semble vraiment farfelu. Je n’ai aucun souvenir de m’être approché de l’artiste brésilien.
À ce que je sache, j’ai manqué sa conférence. Au lieu de briller de tous mes feux, je me suis éteint, avalé par un trou noir le temps d’un très long musement.

Tiens!
L’un de mes derniers souvenirs est d’être sorti en trombe de mon bureau pour aller faire des photocopies au département. Je préparais justement le dossier que je voulais remettre à Kac. De la documentation! Il n’y a rien de mieux pour prouver ses dires.
Nous étions à la Saint-Jean Baptiste, je me rappelle, le département était désert… J’étais sur les nerfs. Emmanuelle Alba avait préféré passer ces journées cruciales auprès de son amoureux asocial.
Du coin de l’œil, malgré mon empressement, j’ai remarqué la présence d’une jeune fille. Une jeune fille blonde, âgée d’à peine une douzaine d’année.
Juste à y penser, je me sens défaillir. J'ai les mains moites.
Les cuticules de mes pouces m'exaspèrent.

samedi 13 octobre 2007

Pardon?

M’a-t-on parlé?

Suis-je même qui je crois être?

Dois-je me regarder dans le miroir pour m’assurer de ne pas être quelqu’un d’autre? Un nouvel avatar… Une menace planait, et je me suis senti, comment dire, interpellé.

Qui êtes-vous? Êtes-vous ici pour moi?

Je ferai un premier aveu : j’ai la tête vide.

Quel étrange rêve… Les images s’accumulaient, sans queue ni tête. Par moments, j’entendais des voix. J’ai vu un pays lointain. Un palais rempli de livres. Je ne sais plus.

Est-ce toi, ma lectrice?

Quelqu’un a-t-il vu Emmanuelle?

Quelqu’un a-t-il aperçu Éric dernièrement? Je demande ça le plus sérieusement du monde. Je cherche à recoller le tout.

Quelqu’un m’a-t-il vu?

mercredi 10 octobre 2007




Éric…
Là, ça suffit.

Je vois qu’il n’y a rien à faire.
Tu ne sors toujours pas de ton errance à la noix. Ton musement de peine et de misère.
Ben, si tu veux mon avis, tu peux y rester.

Je te flushe (Excuse my french!).

C’est dommage, tu vois.
Je voulais que tu reviennes à la vie pour me faire patienter un peu. J’ai un autre projet qui prend forme. Un projet de roman. Un truc un peu plus sérieux. Pas aussi sombre que Les failles, mais quand même, du sérieux! Et ce projet devient de plus en plus présent. Il commence à se faire une niche dans mon esprit. Je vois déjà la structure du roman se profiler, un truc à la John Hawkes, une conscience torturée, partagée entre trois temps, trois moment précis qui se répondent.
Je ne voulais pas le faire débuter tout de suite, j’ai trop de choses à terminer. Et il y a ce foutu monstre qui requiert toutes mes énergies (je me sens parfois comme dans un jeu vidéo conçu par des technocrates; j’essaie sans succès de dépasser le premier niveau et je suis recalé. Game over...).

J’ai une année sabbatique qui s’en vient. Je commence déjà à en rêver. Et ce sera le moment idéal pour réaliser ce nouveau projet. Comprends-tu maintenant?
Je voulais que tu reprennes vie pour me faire patienter quelque temps, pour m’occuper pendant l’année scolaire.

Toi seul es capable de me faire patienter. Toi seul peux m’aider à repousser ce projet, le temps que mon année sabbatique arrive.

Mais il semble que tu ne sois pas en mesure de le faire. Tu préfères les limbes de tes rêveries à cette mission qui aurait pu t’être impartie.
Soit. Tu es maître de ton destin.

Alors, au revoir!
Tu m’auras beaucoup amusé, mais toute bonne chose a une fin.
Je commencerai dès maintenant cet autre projet.

Adieu.

L’auteur (quittant la scène de la Chaire un peu à regret, mais déterminé tout de même à ne pas se laisser immobiliser pour autant)

lundi 8 octobre 2007




Bon, Éric.
Sors de ton musement.
Fais-le pour moi.
Je ne dis pas : fais-le pour toi, fais-le pour ta propre survie, fais-le pour ne pas disparaître. Non, rien de tout ça. Je dis : fais-le pour moi, ton auteur. Pour moi, comprends-tu?
J’ai besoin que tu me distraies. Tu es l’un des rares à m’amuser et j’ai vraiment besoin que tu m’aides. Je suis en train de me noyer dans les demandes de subvention – le SOR du CRSH, le RGC du FQRSC, le TDVST – ma session est un enfer, un interminable enfer, et je requiers un peu de distractions. C’est ça ou une prescription de ce que vous avez de plus fort, docteur!

Je me bats, vois-tu, contre un Registre. Je ne savais pas que les monstres pouvaient prendre la forme d’un Registre! Je ne me sens pas l’étoffe d’un Saint Georges.
Qu’est-ce qu’un Registre? me demandes-tu du fond des tes rêveries imagées.
C’est un étrange animal. Un monstre d'un nouveau genre que même les mythologies grecque et norvégienne ne connaissaient pas.
Ça ressemble à une pieuvre, avec des tentacules partout. On étouffe, le moindre mouvement provoque un resserrement, il faut se faire le plus mou possible, le plus conciliant possible.
C’est aussi un labyrinthe. On pense savoir où on est et subitement, crac!, c’est le cul-de-sac. Les erreurs s’accumulent, et c’est le système tout entier qui bloque.
C’est une sirène en plus. Son chant est beau, attirant – c’est le chant de l’argent, tu comprends? Et l’argent, c’est le statut, la crédibilité, la gloire… C’est difficile de résister au chant de la gloire... Et les sirènes, on le sait, rendent fou.
C’est un engrenage. Une fois qu’on a les deux pieds pris dedans, on ne peut plus s’en sortir.
C’est une sangsue. Tant qu’il reste un millilitre de sang, elle ne s’arrêtera pas. Et le sel ne la fait pas se rétracter. Rien ne la paralyse. Rien, je te le jure.
Je suis maintenant à cours de métaphores.

Tu saisis maintenant pourquoi j’ai besoin que tu sois là? Tu me fais rire. Tu me distrais, tu m’inspires, tu me fais respirer. Quand je pense à toi, je redeviens insouciant, comme devant un miroir déformant dans les labyrinthes de foire de mon enfance.
Pour moi. Fais-le.
Prends pitié de moi.


L’auteur (dépité)

p.s. je suis tellement écœuré que même la page des jeux d’esprit de La Presse ne me distrait plus. Amusez-vous! dit-elle. Si seulement je pouvais… Soyez spontané! Tu parles d'un paradoxe, oui. Je contemple les jeux sans broncher : les mots croisés et les mots croisés plus, le Êtes-vous observateur, avec ses huit petites différences – cette fois-ci c’est une madame des années cinquante qui, parce que ses mains sont pleines de paquets, tient dans sa bouche la laisse de son chien –, la case du mot mystère (le thème aujourd’hui : sentiments, un mot de six lettres), les mots fléchés, qui me paraissent toujours aussi insignifiants, et le clou de la page, la citation secrète, cette fois-ci une citation de Marguerite Yourcenar, l’auteur de « Qui n’a pas son Minotaure? » et de quelques autres textes mineurs. Je regarde les lettres sans réagir, mon estomac est noué, mes mains sont froides.

p.s.s. Tu vas aimer. La solution du dernier numéro de la citation secrète est "Un cannibale est un homme qui aime son prochain avec de la sauce." J'te jure! Je me demande qui a écrit ça… Louis Ferdinand Céline? Ionesco? Bukovski? Sûrement qu'un chroniqueur blasé va s'en emparer pour m'envoyer un signal.

samedi 6 octobre 2007


Éric,
je te le dis, si tu ne sors pas de ton foutu musement, je te laisse tomber.
C’est aussi simple que ça.
Je t’efface en bonne et due forme. Je ferme le site de la Chaire de recherche en littérature transgénique, je mets la clé dans la porte, comme on dit, et laisse couler tous tes beaux projets de renouvellement de la littérature. Je ferme mon document word, je prends le dossier Éric Lint et je le fous à la poubelle. Puis, je la vide d’un clic de souris. Sans la moindre hésitation!
Je l'avoue: j’aime bien le bruit que fait mon ordinateur quand la poubelle se vide, je peux l’entendre, c’est comme une chanson dont on anticipe le refrain, qu’on entend déjà en fait, même si le couplet n’est pas encore fini. C’est pareil, je prévois le son que fera mon ordinateur, quand il effacera le dossier de ton existence paralysée. Tous les mots disparus. Ton existence irrécupérablement évanouie dans le système d’exploitation de mon ordinateur


L’auteur (ulcéré)

p.s. Comprends-moi, Éric. J’ai peur tout à coup que ma vie ne soit plus qu’une série de serviettes en nylon, de celles que les grandes organisations distribuent lors des colloques. Elle sont décorées de raisons sociales et de slogans à caractère institutionnel. J’en ai un tiroir plein qui me donne la nausée chaque fois que je l’ouvre.

vendredi 5 octobre 2007

jeudi 4 octobre 2007





Éric!


Éric, je t'avertis.

Si ça continue, on va finir par t'oublier. Plus personne ne parlera de la Chaire, la littérature transgénique deviendra un souvenir lointain, tout juste bon à classer dans les affaires périmées, comme une invention des frères Lumière.
Allez, réveille-toi, sors de ton foutu musement. Ton état végétatif sent le choux de Bruxelles bouilli. Détrempé. Un coma, tu parles d'une affaire! Tu crois que tu te protèges ainsi, mais il n'en est rien. Ça ne protège pas le coma, ça retarde tout.
Nom de Dieu, mais réveille-toi. Fais quelque chose! Tu as une Chaire à gérer, des aventures à continuer, tu ne peux pas tout laisser en plan! Que feront Emmanuelle Alba et Victoria W? Les as-tu oubliées? Et Eduardo Kac? Et ta lectrice?

TA LECTRICE!

Ça ne se fait pas. On ne peut pas abandonner un feuilleton en plein milieu d'une situation. Eugène Sue se serait retourné dans sa tombe pour moins que ça!
Mets un peu d'ordre dans tes pensées et sors de ta cachette. Sors de ce coffre en cèdre qui te sert de mémoire.

L'auteur (sur le point de perdre patience)





lundi 1 octobre 2007

dimanche 30 septembre 2007




Éric!

Éric
Lint! Oui, toi! Je te parle.

Éric, secoue-toi. Bouge un peu! Fais quelque chose!

Allez, ouvre les yeux. Ça va faire.
Éric… Cesse ton jeu stupide.

L’auteur (un tantinet excédé)








vendredi 28 septembre 2007








Éric, fais pas l'idiot. Réveille-toi!



C'est moi, l'auteur.








jeudi 27 septembre 2007

mercredi 26 septembre 2007

lundi 24 septembre 2007

mardi 22 mai 2007

Les gestionnaires


C’est vexant.
On déclare à l’envi que je suis cinglé.
Que ceci n’est que facéties.
Du vent.
Du Windex avec Ammonia D.
Je veux bien, mais alors qu’on enferme les trois quarts de la population! Les gardiens de sécurité aux jambes arquées, les étudiants aux mohawks rouge fluo, les chargés de cours aux oreilles décollées et les directeurs de département aux bretelles pendantes.

Ma chaire n’est que fumée. Rien n’en ressortira jamais. Je pers mon temps, et l’argent des contribuables, à des balivernes. Comme Jules et ses balises.

Non, mais, s’est-on regardé dans la glace? À qui appartient la poutre? À bibi? Non, madame!
Prenons un exemple au hasard. Un exemple où l’on verra que l’âne n’est pas qui l’on pense. Car si je mets tous mes œufs dans le même panier, le mien au moins n’est pas percé. Le mien n’est pas fait que d’air.

Je parle évidemment des gestionnaires de portefeuilles d’actions imaginaires de Loto-Québec.

Marie-Thérèse Larose, l’adjointe à la direction du département des Arts du texte, en est une.
Si! Une gestionnaire de portefeuille de Loto-Québec…

Je l’ai croisée dans un dépanneur près de l’UVAM. Il était trois heures de l’après-midi, mercredi dernier, je suis entré comme à l’accoutumée, le plus discrètement possible, et j’ai vu Marie-Thérèse, de mes yeux vue, opérer une série de transactions auprès du commis qui s’activait, légèrement dépassé par les événements, au clavier de sa machine bleue de la société de la couronne.
Des Banco et des Banco spécial, des Super 7, des Lotto 6/49 avec extra, des Québec 49, des Joker et des Astro, des Poules aux œufs d’or, des Vies de millionnaire, des Célébration 2007 et quelques Mini. Pendant près de trois minutes, tel un courtier en valeurs mobilières sur la parquet de la bourse à New York, elle a dicté ses ordres, levant le bras pour doubler la mise ou ajouter une nouvelle commande.
Moi qui n’étais entré que pour m’acheter un Jo Louis et une canette de Red Bull (j’aime bien croiser le sucre et la caféine), je devais attendre qu’elle finisse ses opérations boursières, tout de même impressionné par la complexité de la chose. Marie Thérèse avait même un portefeuille de cuir noir dans lequel elle insérait les divers récépissés et les billets de loterie instantanée. Elle ne faisait pas que jouer à la loto, non… Marie-Thérèse gérait un portefeuille d’actions imaginaires de Loto-Québec, comme s’il y avait là une bourse où l’on pouvait s’enrichir et placer son argent pour ses vieux jours. Une sorte de fond mutuel imaginaire.

(Acte 3, SCÈNE 1)
- Marie-Thérèse!
(Il faut imaginer une voix mielleuse, calquée sur celle de Winnie l’ourson ébahi devant une étagère remplie de miel en pots)
- Oh! C’est vous Éric! Quel bon vent vous amène?
- Une petite fringale… Toc toc. On ne peut pas toujours vivre d’amour et d’eau fraîche. Et vous, quel beau portefeuille vous avez! Beau à croquer.
- Du cuir véritable. Importé du Maroc.
- Hum, c’est pas du toc! Et que la chevillette cherra!
- Sans équivoque! Et je m’y connais.
- Puis-je être indiscret et m’enquérir tout d’un bloc de ce que vous y insérez? Ça vous choque?
- Non, non. Je gère mes avoirs.
- Des avoirs? Vous rigolez. Ce sont plutôt des à-valoir sur votre propre ruine.
- Mais de quel droit!
- Marie-Thérèse (bis), des billets de loterie, voyons donc, ce n’est pas un investissement, c’est une perte sèche. Un pari sur l’improbable! Vous avez plus de chances de vous faire frapper par la foudre que de gagner le gros lot. Ce n’est pas une stratégie financière, votre affaire, c’est une maladie.
- Monsieur Éric…
- Pensez à vos enfants, Marie-Thérèse, même si vous n’en avez pas. Pas encore, mais ça ne saurait tarder. Pensez à tout l’agent que vous avez perdu en vaines espérances, en rêverie niaise, en mirage adolescent!

Jusque là, tout allait plutôt bien. J’étais en verve et Marie-Thérèse, en état de choc. Mais, j’ai eu le malheur de tendre la main et de m’emparer de son portefeuille.
Je l’ai pris et l’ai ouvert, pour découvrir tout un assortiment de billets rangés par catégories et dates de tirage.
Il paraît que j’ai crié. Il paraît que j’ai levé le bras bien haut, secouant le portefeuille comme un arbre à l’automne, et que ses feuilles sont tombées comme le veut la saison, virevoltant dans le dépanneur avant de se déposer sur le sol mouillé du commerce de détail.
Il paraît que Marie-Thérèse a hurlé avant de se jeter sur moi.
Il paraît qu’elle m’a menacé des pires catastrophes.
Mais, je ne m’en souviens plus. Ma tête a heurté un comptoir et j’ai perdu connaissance, les billets de loterie toujours en suspension dans l’air, immobilisés par l’apnée provoquée par ma chute. On se serait cru dans un film d’arts martiaux (j’ai failli écrire « arts maritaux »!), quand l’extrême ralenti découpe les mouvements jusqu’à les rendre magiques et transforme la moindre chute en une longue descente aux enfers.
Jet Lee, here I come!

Quand j’ai repris connaissance, Marie Thérèse pleurait, quelques billets souillés dans ses mains. J’aurais peut-être dû m’excuser, prétexter une surcharge émotive, un trop plein de travail à la chaire, les défaillances du protocole TRANSLIT, mais je l’ai regardée en silence. Je l’aurais en fait détaillée avec mépris et condescendance, selon ce qu’elle a rapporté au directeur du département, M. Théodore Suprenant (ce minable!), qui m’a vertement sermonné à mon piteux retour à la chaire.

N’empêche! Un portefeuille de Loto-Québec...
La population ne réagit même pas? Elle ne s’insurge pas?
Et dans le même souffle, on m’accuse, moi, de semer du vent, de pratiquer le vide sous pression, d’être un faux jeton. I beg you pardon. Quand je regarde dans mon portefeuille, je ne vois que des billets verts et bleus. De la monnaie trébuchante, comme on disait dans le temps. Je ne trébuche pas, moi, sur du rêve en canne. Je reste debout, même si je ne vais nulle part. Et je garde mes sous pour de bonnes et justes causes.
Vive la CRLT libre!

lundi 7 mai 2007

Moi, j’aime le Kac…


Eduardo Kac sera au MASTEVI.

La chose est d’ores et déjà confirmée.
There’s a burglar in the house!

La question est de savoir maintenant comment établir le contact, comment m’initier dans le cercle de ses intimes. Je ne veux pas seulement m’approcher et voir de près le phénomène. Non, ce n’est pas assez. Je veux nouer une relation durable avec l’artiste. Nous sommes des frères de sang, des défenseurs d’une semblable cause. Les transgénismes littéraire et artistique sont des frères utérins. Ils ont été séparés à la naissance, comme dans toute bonne tragédie, mais c’est leur destin d’être enfin réunis.
Le destin est une pâte molle qui se travaille aisément si on y met de l’énergie.

Mais comment faire?
Je pourrais simplement l’attendre à la sortie de la salle. Mais trop d’obstacles pourraient contrecarrer ce projet. Les écrivains de l’UNEQ pourraient s’être mobilisés. Ou les étudiants en arts. Et on pourrait me reconnaître.
C’est incognito que je dois m’approcher de ecce homo.
Je pourrais porter une moustache. Ou une barbichette.
J’ai vu un étrange film, la semaine dernière, intitulé Borat. Emmanuelle Alba me l’a conseillé. Ça riait beaucoup dans la salle du cinéma Villeray, même si le film était essentiellement triste. Pauvre homme! Je compatis. Ce reporter du Kazakhstan tombe éperdument amoureux d’une jeune et jolie actrice américaine. Il traverse le continent pour la rejoindre. Pourtant, malgré son courage et sa bonne volonté, il ne réussit qu’à s’aliéner la dame, qui refuse ses avances. Il sera même obligé de noyer sa peine dans les bras immenses d’une péripatéticienne de talent.

Son procédé était frustre, je vous le concède, mais je me demande si je ferai pas comme lui quand il entreprend de demander la main de cette Pamela Anderson. C’est, si j’ai bien compris, une star hollywoodienne aux immenses talents (enfin, vous voyez ce que je veux dire). Habillé de son veston et de son plus beau sourire moustachu, Borat s’approche de la table où elle signe des autographes et, sans préambules, il la demande en mariage! Il ne sort pas un jonc de sa poche. Non, c’est plutôt un immense sac à patates et il tente sans grand talent, il faut le dire, d’y enfourner Pamela, qui refuse de se prêter à la manœuvre. S’ensuit une fuite éperdue du reporter dans le parking du Shopping Center.

Je me dis que je pourrais faire pareil. Pas la fuite. L’enfournement.
Avec Emmanuelle, nous nous approcherons de la table de conférence où siège Edouardo Kac , et à l’aide d’un grand sac à patates, on immobilisera l’artiste et, j’aime bien la polysémie de ce verbe, on le ravira.
C’est sûr que sa première réaction sera négative. Il y en a, je vous jure, qui détestent être ravis! Il se débattra comme un diable dans l’eau bénite ou alors comme un russe dans l’alcool de patates. On sera peut-être obligé de le calmer en lui donnant quelques coups de tubercules sur la tête. J’aurai préalablement stationné ma vieille Saturn derrière le musée, et on s’empressera d’y déposer notre petit météorite brésilien. Pouf!, un sac informe de jute dans le coffre arrière, juste à côté de mes affaires personnelles.
On entrera discrètement dans la chaire. On déposera le sac au sol et on laissera lentement le Kac sortir de son cocon, comme un papillon.
Nous attendrons, Emmanuelle et moi, feignant l’indifférence, mangeant distraitement des Grisols et du fromage à la crème.
Et la surprise quand Eduardo sortira du sac, comme un lapin (on l’attendait celle-là!) et qu’il verra à mon équipement informatique, à mes fiches collées sur les murs et à mes liasses de feuilles volantes, portant toutes les traces du protocole TRANSLIT, que je ne suis pas un mécréant, mais un compagnon d’arme. Sa consternation, quand il réalisera que le docteur qui l’a séquestré n’est pas un nouveau Frankenstein ou un Jekyll des temps postmodernes, mais un Lint, tout aussi doux que du vrai coton.

Je le laisserai explorer la chaire, le temps qu’Il décolère un peu. Puis, je me montrerai à lui, les bras ouverts et les mains tendues et nous deviserons ensemble sur le sort du monde, l’incompréhension de nos semblables et la fuite des cerveaux pour des cieux plus cléments.
Je lui servirai du lox sur des bagels au pavot, accompagné de câpres marinées et de rondelles d’oignon rouge.
Nous examinerons mes expériences littéraires, et peut-être, peut-être trouvera-t-il ce qui fait défaut à mes procédés. Un peu de poudre de Perlimpinpin brésilienne et le tour sera joué. Ce qu’il a fait pour l’art transgénique, il pourra sûrement le faire pour ma littérature.
Je lui remettrai un doctorat honoris causa de la CRLT, nous irons boire un verre à la santé de Lula et je le ramènerai à son hôtel.
Kac et Lint, unis pour l’éternité.

Je rêve, je sais. Mais avouez que cela sonne bien.
Et je préfère rêver plutôt que de m’ankyloser et d’attendre les bras baissés qu’on vienne me cueillir comme un fruit séché.
Les bottes des gardiens de sécurité font toujours un grand tapage quand elles claquent sur le couvre-plancher du corridor qui mène à mon bureau.

dimanche 29 avril 2007

En boire une, toute une.

Je suis confus.

J’ai reçu un billet, discrètement glissé sous ma porte. Et, depuis, je ne tiens plus en place. Mais qu’est-ce que j’ai fait? Rien, je le jure. Or, il semble bien que c’est de ça qu’on m’accuse. Rien. De l’inertie. J’aurais été insouciant au milieu de mes écrans, je n’aurais pas agi. Et me voilà sermonné comme un enfant.
J’ai conservé ce qui ne m’appartenait pas. Mais peut-on redonner un talisman?
Il est rare tout de même que la lecture d’un billet donne des palpitations! Mais j’ai fini de lire ce qui a été glissé sous ma porte, le front perlé de sueur et la chemise en lavette.
Mais où elle est cette tasse dont je n’aurais jamais dû me servir? Qu’ai-je fait de cette masse de terre cuite?
Un vulgaire récipient. On me fait la morale pour un récipient…

J’en étais à m’éponger le front, quand Emmanuelle Alba est entrée.
- Salut boss! Oh! boy, ça va pas fort à matin… (vous remarquerez la très grande familiarité de mon assistante, ça se dégrade avec les sessions.) Dites, avez-vous croisé un spectre? Vous êtes livide!

Pour toute réponse, je lui ai remis le billet.
Monsieur Lint, y était-il écrit,
Il y a quelques mois de cela maintenant, par empathie intellectuelle et universitaire, par compassion collégiale, je vous ai offert un café. Vous ne le savez peut-être pas, et ce serait compréhensible, puisque vous dormiez à ce moment-là. Or, ce café, il était dans une tasse qui m’appartient. (…)
Auriez-vous l’extrême amabilité de me la rendre, je vous prie?
Bien amicalement, cher collègue,
Victoria Welby



Vous savez tout. Elle veut ravoir sa tasse.

- Boss, c’est quoi cette affaire?, s’est exclamée tordue de rire Emmanuelle, que j’aurais bien assassinée sur place, n’eût été de ma profonde perplexité.
J’ai sorti du tiroir la pièce à conviction. La tasse. Une simple tasse à café. Elle ne pouvait pas s’en racheter une autre ? C’est quoi cette affaire : donne, dédonne, comme disait ma mère (en fait je n’ai jamais compris ce qu’elle voulait dire par là, mais bon, on fait ce qu’on peut avec son patrimoine génétique).
- Vous vous êtes servi de la tasse de Victoria W tout l’hiver ! Et vous n’avez rien dit ?
- J’étais censé faire quoi ?
- La vendre sur e-bay ! La lui redonner. La remercier. Ça vous a pas tenté de lui parler ?
- Je ne sais même pas qui c’est…
- Victoria W ? Arrêtez, boss… Sur quelle planète vivez-vous ?
- À l’UVAM.
- Ça va, on a compris. Vous êtes l’ovni de l’UVAM, oui ! Victoria W, c’est l’écrivaine en résidence du Département. Une vedette. Elle fait dans la littérature érotique.
- C’est bien ce qui me gène. Que va-t-on dire de moi ? J'ai lu quelques-uns de ses textes, j'ose à peine l'avouer.
- Mais quel prude ! Arrivez en ville, boss. On est au vingt-et-unième siècle. Plus personne n’a peur de la sexualité. Et c’est pas parce qu’elle fait dans l’érotisme qu’elle est un cochonne. Vous êtes drôles, vous les hommes. Vous pensez rien qu’au sexe et, quand une femme se donne la peine d’en parler, vous sautez immédiatement aux conclusions. Ou alors, vous voulez la sauter. Grow up, boss !

(Un ange passe.)

- Je fais quoi moi, alors ?
- Ben, c’est simple. Vous sortez de votre carapace, vous ouvrez la porte de votre chaire et vous vous rendez au bureau de Mme Victoria Welby lui remettre sa tasse.
- Juste comme ça…
- Vous en profitez pour la remercier, pour vous enquérir de sa santé, et vous l’invitez à aller prendre un café avec elle.
- Vous êtes folle! Me faire voir en public avec cette, cette…
- Cette quoi?
- Je ne sais pas.
- Une écrivaine? Une femme? Boss, déniaisez-vous. Vous rêvez de la littérature de demain et vous êtes même pas capable de regarder en face la littérature d’aujourd’hui. Ça vous ferait du bien un peu de, de, d’air frais, disons! Ça vous déniaiserait. Vous vivez dans vos fantasmes. Et ça commence à sentir mauvais dans votre chaire. Il est temps d’ouvrir les fenêtres.
- Elles sont verrouillées, je n’y peux rien.
- C’t’une métaphore, boss… Une figure de style. Et c’est juste une tasse...

J'ai chassé Mlle Alba de mon bureau. J'en avais assez de son insubordination.
Moi, Éric Lint (Lint comme dans pain ou main et pas comme dans print ou flint, je tiens ici à le préciser), titulaire de la Chaire de recherche en littérature transgénique, seule maître à bord, je dois prendre mon courage à deux mains et redonner à V. W. ce qui lui appartient.
Je me sens comme un enfant pris en flagrant délit.
Et, le pire, c’est que je m’ennuierai de cette tasse. J’avais appris à m’en servir. Elle était confortable. J’aimais y tremper mes lèvres. Le liquide restait chaud de longs instants. Les fines rainures étaient plaisantes, j’en ressentais la délicatesse dans la paume de mes mains. Sa forme était féminine. Et son anse, son anse n’était pas cassée.

Je ferai un homme de moi.
J’irai de ce pas lui rendre son dû.
Juste après ces dernières expériences qui m’appellent toutes affaires cessantes.

vendredi 27 avril 2007

L’ange exterminateur®

Chère lectrice,
Je t’ai un peu négligée dernièrement, mais les événements se sont précipités. C’est la fièvre surtout qui m’a retardé. Elle m'a tenu loin de mon clavier. Emmanuelle, mon ange, est venue à ma rescousse, me nourissant de bouillon de poulet et de biscuits soda.
J’avais commencé à rédiger des notes après la tuerie à Virginia Tech, mais elles sont restées en chantier. Un grand désespoir s’est abattu sur ma triste personne et j’ai commencé à croire que mon monde, ce monde que je peuple de personnages de papier était sur le point de connaître un funeste sort.
Le découragement s'en est suivi, je ne te raconte pas.

Pendant que je repense aux images du campus de Virginia Tech, j’entends les bottes des gardiens de sécurité claquer contre le couvre-plancher du couloir, à l’extérieur de la chaire.
Il y a quelque chose de martial dans ce bruit qui devrait me sécuriser mais qui m’inquiète au plus haut point. On a augmenté la sécurité à l’UVAM, vois-tu, par crainte des copy cats. Des émules, des ânes, oui... On redoute que les portes du métro laissent sortir un jeune aux idées noires qui ira renverser du sang, noir lui aussi de sa colère répandue, sur la céramique rouge de la place centrale. Montréal n'est pas à l'abri des fous furieux, tu dois t'en souvenir. Nous avons eu nos propres déments.
L’État trouve toujours des raisons pour augmenter la sécurité. Il n'y a rien comme un sentiment de peur pour tordre les lois.

Je ne parviens plus à me concentrer. Le protocole TRANSLIT attend patiemment que je l’active, mais je n’ai plus la tête à ça.
Je pense encore à une phrase qui m’a sidéré. « Ça ne prend pas moins d’armes à feu, » a déclaré un représentant de la Virginie, « mais plus d’armes! Il aurait fallu que des étudiants aient leurs propres revolvers pour arrêter le tueur fou. »
Plus d’armes à feu! Te rends-tu compte!
Voilà la solution : combattre le feu par le feu…
Et pendant ce temps le claquement des bottes se fait plus insistant derrière mes portes closes.

On a déclaré à l’envi que ces tueries étaient les faits de tueurs isolés, d’êtres profondément perturbés et asociaux. Mais quand j’entends des représentants clamer haut et fort qu’il faut plus d’armes, je me dis que ces jeunes ne sont pas des exceptions, mais la norme. Ils jouent tous au même jeu... Au grand jeu des tueurs fous et de leurs poursuivants.
Le seul problème vient de ce que les victimes ne savent pas participer à un grand jeu. Elles ne savent pas que leur réalité, celle de l’école et de leurs amis, entre en intersection avec la réalité du grand jeu de L’ange exterminateur®. Un grand jeu multi-joueurs, à durée illimitée et à cadre décentralisé. Un grand jeu où on ne peut pas gagner, où il s’agit plutôt de partir en laissant le plus de ruines possibles.
Auparavant, on craignait le savant fou. Il avait des lunettes épaisses qui dissimulaient ses yeux, portait une chienne tachée aux manches, des cheveux en bataille, et tenait dans ses mains des éprouvettes remplies de liquides colorés aux vapeurs menaçantes. Ou alors il manipulait les manettes d’un ordinateur surpuissant qui pouvait tout détruire sans arrière-pensée.
Cette image a cédé le pas à celle du jeune asocial, qui projette ses anxiétés sur le monde sous la forme d’une volée de balles meurtrières. Il en tue moins d’un seul coup, c’est évident, mais il peut le faire à répétition. Quand il meurt, d'autres prennent sa place. Comme ces terroristes qui n'hésitent pas à se faire exploser dans les foules.
Le jeune forcené n’a pas de lunettes de professeur, mais il arbore une casquette noire. Il ne porte pas de chienne, mais des habits de chasse, et les éprouvettes ont été remplacées par de armes semi-automatiques achetées sur Internet ou dans des magasins peu scrupuleux.
Le savant fou, méconnu et aigri, a laissé sa place au jeune narcissique. Un Rambo ado, capable de tout détruire sur son passage.

Chère amie, toi qui me lis en silence, tu seras d'accord : qu’un adolescent veuille exterminer le monde qui l’entoure, c’est parfaitement normal. C’est dans le logique des choses… Mais qu’il puisse le faire! Qu’il puisse troquer ses armes imaginaires pour de véritables mitraillettes, là on a un problème...

Et, comble de l’ironie, ce tueru-là était un étudiant en lettres. En littérature anglaise… Un des nôtres, si ça se peut! Écrire des inepties ne lui suffisait pas? Ses pièces d’un théâtre lugubre ne parvenaient plus à le réconcilier avec ses propres démons? Il aurait pu faire une carrière d’écrivain à succès, comme Stephen King, dont les pulsions meurtrières devaient être pas piquées des vers dans sa jeunesse. Il aura droit plutôt au statut de vedette. Son nom trônera quelque temps au sommet de la liste des tueurs fous les plus meurtriers. En attendant le prochain, qui voudra égaler la marque, et laisser à son tour son empreinte dans le merveilleux monde de l’éducation.

Il aurait fallu armer les classes, a déclaré le représentant.
J’imagine avec effroi une salle de classe remplie de jeunes tous armés d’un revolver. J’en vois déjà un se lever, insatisfait de la note qui lui a été attribuée, et chercher dans sa mallette son arme de poing.
Devrai-je apprendre à enseigner, l’arme à la ceinture?

Ces tueries sont épuisantes. J’écris pour ne pas penser. J’épie de mon bureau les webcams de l’université à la recherche de mouvements suspects. Je ne trouve rien. Mais ça ne veut rien dire.
Je me sens comme ce professeur de Virginia Tech qui, entendant des coups de feu dans son propre édifice, s’est barricadé dans son bureau et a ouvert son ordinateur pour vérifier ce qu’en disait CNN. Il a suivi les événements sur Internet, même si c’est lui qui était sur place. On dirait du Don DeLillo.

Les bottes des gardiens résonnent sur l’étage et je me mors les lèvres.
Je me fais le plus discret possible et attends que la nuit vienne pour me laver dans le lavabo des toilettes. Je me suis, moi aussi, barricadé dans mon bureau, et j'attends que RDI diffuse des images. Il va sûrement se passer quelque chose. Il est toujours en train de se produire quelque chose. Ce n'est qu'une question de temps avant que les médias n'en soient informés.

dimanche 22 avril 2007

Message

Monsieur Lint,

Il y a quelques mois de cela maintenant, par empathie intellectuelle et universitaire, par compassion collégiale, je vous ai offert un café. Vous ne le savez peut-être pas, et ce serait compréhensible, puisque vous dormiez à ce moment-là. Or, ce café, il était dans une tasse qui m’appartient.

Voilà plusieurs fois que je vous vois passer devant mon bureau, ma tasse à la main. Je vous en aurais parlé à ces occasions, mais vous disparaissiez trop vite ou j’étais occupée avec des étudiants, des étudiantes. Je me permets donc de glisser ce mot sous votre porte.

Cette tasse m’est très chère, voyez-vous. Elle a, pour moi, une valeur sentimentale très forte. Auriez-vous l’extrême amabilité de me la rendre, je vous prie?

Bien amicalement, cher collègue,

Victoria Welby

dimanche 15 avril 2007

Dix toupies

Je me réveille certains matins et je me sens comme d’Artagan ou Cyrano de Bergerac, j’ai le goût de croiser le fer avec un enfoiré, d’assommer un idiot (lui-même assommant par la force des choses), et de déboulonner des statues.
Je sortirais mon épée et, sloup!, d’un coup majestueux, je t’étêterais l’anacoluthe avant qu’elle ait pu prendre son élan. Et je recouperais chacune des parties ainsi créées en de multiples sous-sections sans âme (car il faut faire attention : l’anacoluthe est comme le ver, elle survit même coupée en deux, chaque segment est autonome…).
Donnez-moi un Saddam Hussein pour que je puisse en bon soldat de l’oncle Sam faire basculer sa statue et chanter un hymne à la victoire (tiens! hymne et hymen sont des anagrammes). Celle des forces de la lumière contre l’obscurantisme ambiant.

Take me out to the ball game,
Take me out with the crowd;
Buy me some peanuts and Cracker Jack,
I don't care if I never get back.


Croiser le fer. Oui.
Et je ne parle pas seulement de le faire avec le directeur du département des arts du texte, M. Surprenant qui veut à tout prix me voir (oh! quelle surprise…), ou avec cet étudiant miteux, Lucien Lecerf, qui se croit tout permis parce qu’il est mégalomane, et qui ose se plaindre dès que ses élucubrations se retournent contre lui.
Non, je vise ces êtres qui font de l’ignorance la valeur suprême.
Le mauvais parler, la phrase lourde et maladroite, les pensées sans fondement abondent comme de la volaille, et il faut s’enfermer dans sa chaire pour ne pas être contaminé.
Je dis : nous sommes en pleine dispotie.
En fait, je voulais dire : face à dix toupies, comme si on pouvait jouer aux quilles avec le tissu social.
Soyons clairs : la toupie est unique, tandis que les dix toupies, elles, sont légions. Et elles se multiplient comme des vers.

Je sors mon glaive, ma noire rapière et mon scramasaxe.
Je suis seul contre une déferlante de fer blanc.
Mais c’est du toc et j’ai mon estoc.
Je me dérobe à la défervescence.
Bouchons les dalots pour retenir les eaux.
Comptons tous nos abats, et apprêtons-les sans réserve.
(coudon, qui a joué avec ma prescription?)
Rêvons d’étreintes nocturnes, de blocs et d’urnes éteintes.
Plaçons le sabre avant le carré et retenons des chiffres.
Je ne suis qu’une soustraction.
Heureusement qu’il y a de la lumière au fond de l’entonnoir (traduction bâclée de « there’s light at the end of the funnel »).
Je ne veux pas de prose accablante, mais des Prozac en quantité suffisante.
Je me sens écervelé. Comme une anamorphose de moi-même.
Je croiserais l’acier avec le cerveau, pour en faire une âme trempée.
Donnez-moi, quelqu’un, un moulin pour que je fasse du vent.
Stop ou encore.
Tout évaporé dans Villeray.

mercredi 11 avril 2007

Un jeu de Kac Kac

C’est Pâques, et je voudrais qu’on sème à tous vents.
(J'avais écrit initialement: c'est Pâques et je voudrais qu'on m'aime... Mais je me suis retenu. Il ne faut jamais chercher à attirer la pitié, c'est pas bon pour son image. Il faut se répéter: je n'ai besoin de personne, je n'ai besoin de personne, je n'ai de soins de personne, snif).
La neige fond et je voudrais qu'on sème de la joie, des pétards à mèche, des jujubes que les enfants s’arracheraient en criant comme des déchaînés, des sels de bain qu’on lancerait pour les voir tomber en miroitant dans l’air tiède du printemps, des pétales de rose qui coloreraient le ciel tout en dégageant une suave odeur de… de… rose, je ne vois rien d’autre.
Je remplirais des pages nourries d’une écriture fine et distante que je laisserais partir de ma fenêtre ouverte, comme les confettis qui inondaient le ciel de New York au moment de la victoire des alliés, images dont j’ai revues une rediffusion à la télévision. Il n’y avait que du noir et blanc à l’époque et les bouts de papier tourbillonnant dans l’espace ouvert entre les gratte-ciels paraissaient être une neige miraculeuse, captant les rayons de soleil, transmis par réflexion aux lentilles des caméras qui rediffusaient le tout à l’écran.
Je créerais volontiers mon propre « ticker tape parade ».

Emmanuelle Alba, mon ange, est passée et a laissé dans mon casier une chemise que je me suis empressé d’ouvrir afin d’y découvrir un article dont la lecture me laisse encore bouche bée. Quelle bénédiction, cette Emmanuelle!
Il semble que Eduardo Kac, le célébrissime artiste brésilien, sera au Musée des arts, de la science et de la technologie de Villeray (MASTEVI).
Eduardo Kac, vous vous imaginez?
Kac, son nom résonne comme une samba à mes oreilles, un vent de Copacabana qui souffle sur le corps dynamique des jeunes joueurs de futeball.
Kac, le premier artiste à avoir proposé un art transgénique. Notre père à tous!

Il s’est manifesté la première fois, en 1999, au festival Ars Electronica de Linz, Autriche (un jour, je vous le jure, j’irai faire mon pèlerinage à cette Mecque de l’art nouveau). Il avait fabriqué un gène artistique, de nature synthétique, à partir d’une phrase de la Bible et plus précisément (remarquez son sens de l’à-propos) de la Genèse. Il avait traduit cette phrase en morse, puis il l’avait convertie en paires de base d’ADN. Le gène avait ensuite été implanté dans la bactérie E. coli. Un dispositif permettait, au moment de l’exposition d’Ars electronica, d’interagir avec la bactérie. En fait, toute personne pouvait, par le biais d’Internet, allumer une ampoule ultraviolette qui faisait muter la bactérie. La vie se déployait sous nos yeux, une vie allumée depuis les mots d’un texte.
Vous comprenez mon intérêt : si Kac peut se rendre aussi loin, et transformer du texte en vie, je dois pouvoir faire muter des gènes littéraires d’un texte à l’autre!
L’expérience de Kac a eu, on s’en doute, un grand retentissement. Et on a dit à son sujet :
« Des artistes comme Eduardo Kac travaillent sur des projets concernant notre avenir immédiat, dans lesquels la différenciation traditionnelle entre le naturel et l'artificiel – élaborée dans l'optique des concepts organique et auto-organisé pour les êtres vivants et déterminée extérieurement pour les machines – ne sera désormais plus valable. »
Et c’est ce même Eduardo Kac qui vient au MASTEVI! Peut-être nous parlera-t-il de son lapin transgénique au beau pelage vert fluo? Peut-être l’aura-t-il même avec lui? Je m’imagine aisément posséder un tel animal de compagnie. Un lapin de Pâques fluo, à mi-chemin entre le mammifère et l’anémone de mer.
Je dois à tout prix m’y rendre, le rencontrer et lui proposer une collaboration internationale. Il n’est pas dit que ma chaire sera passive! Je me dois d’être proactif, à défaut d’être transparent.
Vive les résurrections.