mardi 23 octobre 2007

Stupeur et tremblements!



Je te dois des excuses, chère lectrice.
Il appert que l’image qui est longtemps restée dans mon esprit, au point que j’ai dû la publier pour amorcer le processus de séparation, cette image que tu as vue apparaître dans mon billet du 16 octobre n’était pas le fruit de mon musement après tout, mais le recto d’une carte postale!

J’ai retrouvée ladite carte dans le premier tiroir du bureau de la Chaire et c’est consterné que j’ai plongé mon regard dans cette faille béante qui s’ouvre quand les pupilles cherchent à s’ajuster à la noirceur.
Quoi?
Ce n’était pas un rêve, mais une photographie de David Lynch et, qui plus est, la carte postale tirée de l’exposition qui lui a été consacrée à Paris. Et, attendez, vous ne savez pas tout! Qui l’a envoyée? Qui? Je vous le donne en mille… Oui, stupeur et tremblements, nulle autre que Victoria W.
La Victoria W!
L’écrivaine en résidence au département des arts du texte à l’UVAM! L’érotomane en personne.
Quand j’ai retourné la carte et que j’ai aperçu l’écriture gracile de Victoria, j’en ai eu des palpitations, des sueurs, et un étonnant cas de transpiration qui a laissé un odeur aigre dans le local de la Chaire.
Victoria W m’a écrit. La carte en est la preuve.
Elle m’a écrit à moi, Éric Lint, titulaire de chaire, ignare parmi les sots, adepte du bowling et des chips au ketchup…
Éric Lint, faible inventeur d’une littérature censée vaincre tous les maux liés à l’illettrisme contemporain. Des mots pour les maux, comme on a dit.
Et elle, grande star devant l’Éternel, dont les écrits sont lus jusqu’en Suisse! Et que sais-je encore, en Lituanie!
Et je ne lui ai même pas redonné sa tasse!

Emmanuelle Alba m’a expliqué que j’avais reçu la carte pendant mon musement sans fin. Elle me l’avait montrée régulièrement dans mes moments d’absence, espérant me ramener sur le plancher des vaches. Cela explique pourquoi l’image est restée gravée dans mon cerveau.
J’ai été infecté comme par un message subliminal.

Lectrice, que dois-je faire?
Je suis deux fois en dette! Deux fois, mon père, j’ai péché par abstinence.
Je suis perplexe.
Et les « Je vous salue, Marie » ne servent pas à grand chose.
J’ai essayé.

dimanche 21 octobre 2007

Et ce n'est pas tout!

Reprenons.

J’ai la mémoire en compote.
À tout instant, une lumière vive inonde mon palais et je me retrouve dans un sombre labyrinthe. Je dois faire des efforts pour me souvenir.
Je me rappelle avoir expliqué à la jeune fille – son nom ne peut tout de même pas m’échapper, attendez, oui, ça me revient, c'est ça, oui, Caroline, je l’ai, elle s’appelle Caroline –, les principes de la littérature transgénique. Elle a été très étonnée du fait qu’on pouvait changer les histoires selon sa volonté.

- C’est ridicule, m’a-t-elle répondu. Les histoires, ça ne se change pas. C’est comme un carambolage. Ça ne se défait pas. C’est coulé dans le béton.
(Je ne garantis pas à 100% l'exactitude de cet échange, je fais du mieux que je peux. Ce n'est pas comme si j'avais un texte qu'il me suffisait de recopier d'un clic de souris...)
- Je ne sais pas pour les carambolages, lui ai-je répondu, sans perdre mon sang-froid, mais les histoires, on peut toujours changer celles qu’on n’aime pas. Transformer la fin. Modifier des chapitres. Ajouter des couleurs imprévues. Faire revivre des personnages.
- Un personnage, quand c’est mort, c’est mort.
- Pas toujours. On peut ajuster les romans pour qu’ils répondent à nos besoins et à nos goûts. Littéralement. Et sans rien perdre de la qualité initiale des textes! Je vais sauver la littérature! Pense, si je t’offrais un roman qui répondait parfaitement à tes attentes, pourrais-tu résister à sa lecture!

À ces mots, je te le jure, chère lectrice, la jeune fille a eu de la difficulté à retenir ses larmes. C'était émouvant.
- Et ton papa, lui ai-je demandé attendri, où est-il? Si on ne peut trouver ton oncle, on peut au moins téléphoner à tes parents. Ça sera facile. Téléphonons à tes parents. Internet ne fonctionne pas, mais le téléphone, lui, n’est pas coupé.
Je me suis levé, m’approchant délicatement de la jeune enfant. Je lui ai offert ma chaise, tenant le combiné du téléphone à la main. Elle a paru subitement nerveuse. Et avant même que je puisse réagir, elle a pris ses jambes à son cou. Elle s’est levée d’un bond et s’est lancée, avec son sac à dos, dans le couloir.
Je n’ai pas tenté de la pourchasser, même si l’idée a traversé mon esprit. J’ai déposé plutôt le combiné du téléphone et me suis remis benoîtement au travail.

Mais, attendez! Ce n’est pas tout. Car il y a une suite.
Un deuxième acte, si vous voulez.
Rideaux!

jeudi 18 octobre 2007

Transitique, asteure!

Où en étais-je?

J’ai dû aller m’allonger. Un mal de tête « lancinant et pénible ». Qui a des Instantines? Emmanuelle, où es-tu? Foutu copain... Pouvait pas rester célibataire comme tout le monde?

J’associe librement, des flashes de mon enfance remontent, traversent le théâtre de ma conscience, puis se dissolvent dans les brunes de mes oublis. Côté jardin.
La jeune fille dans le corridor. Une journée fériée. Mes pas précipités qui résonnent. Mon retour à la Chaire. Oui, c’est ça!

Quand je suis revenu à la Chaire, la jeune fille était assise sur ma chaise, devant mon écran d’ordinateur, la souris à la main. Non mais, de quel droit! Les boucles d’or ne donnent pas tous les droits, à ce que je sache.
Je ne me suis pas gêné pour l’apostropher. On aurait dit une voleuse…
- Faites comme chez vous, mademoiselle! Je vous en prie…
La jeune fille a rougi. Elle a tenté de s’excuser, a bredouillé des explications, puis elle s’est mise à cafouiller. Je crois que je n’oublie rien.
J’aurais dû la chasser aussitôt et reprendre ce trône qu’on avait tenté de m’usurper pendant ma brève absence, mais je me suis senti magnanime. Et au lieu de jouer au monstre, je me suis fait conciliant. Ha! la jeunesse…
Il ne servait à rien d’enguirlander une gamine, surtout si ses parents étaient membres de mon département. Mieux valait se montrer bon prince. (D'autant plus que je ne veux plus avoir Théodore Surprenant, notre bien aimé directeur sur le dos...)
- Si ça peut vous rassurer, lui ai-je dit, Internet ne fonctionne pas aujourd’hui. Et vous êtes un peu jeune, non, pour fouiller dans les bureaux?
- Je ne volais rien, a-t-elle bafouillé. Je suis perdue et j’attendais votre retour. Vous avez laissé votre porte ouverte.
- Un jour, ça me jouera des tours. Qui est ton papa ou ta maman? Tu les accompagnes aujourd’hui? C’est la Saint-Jean…
- Non. En fait, je cherche mon oncle, il travaille ici. Je crois. Internet ne fonctionne pas?
- Le réseau est mort.
Elle a paru soulagée. Elle s’était levée, et j’ai pu me rasseoir à ma place. Déjà, j’avais repris mes esprits.
- Ton oncle, comment s’appelle-t-il?
- Hubert.
- C’est tout. Hubert, pas de nom de famille?
La jeune fille a paru étonnée. Elle a voulu porter ses mains à sa tête, mais à la dernière seconde, elle s’est arrêtée comme si elle avait quelque chose à cacher.
M’avait-elle volé un crayon?
- Euh… C’est fou, a-t-elle répondu, je ne parviens pas à m’en souvenir. J’ai le nom sur le bout de la langue. Mais, il ne veut pas venir. Je ne sais même plus son nom…
- Ne t’en fais pas. Ton nom à toi, tu t’en souviens?
- Je m’appelle Caroline.
- On va le retrouver ton oncle Hubert. Essaie de ne pas y penser. Les mots, il ne faut pas les regarder de face. Il faut les laisser s’approcher. Et, à la dernière seconde, on les attrape. Tendre un filet à hirondelles ne sert à rien. Ils sont trop futés. Mais ils sont curieux. Alors si tu laisses une pensée à l’orée de ton esprit, une toute petite pensée belle à croquer, ils vont s’approcher et tu pourras les saisir.
- Je ne le retrouverai jamais.
- C’est dommage que le serveur soit bloqué, on aurait pu vérifier sur le site de l’Université. Car des professeurs, il y en a beaucoup! Je ne les connais pas tous. Je ne suis ici que depuis deux ans. Te souviens-tu où il travaille?
- Ici, au troisième étage.
- Au Département des arts du texte?
- Je crois que oui. Il travaille tout le temps. Ça n’arrête jamais. Du moins, c’est ce que dit mon papa.
- Il n’y a pas de Hubert au département. Il y en a déjà eu un, mais il est parti avant que j’arrive, et depuis il n’y en a pas eu d’autres. Tu ne te trompes pas? Réfléchis.

La jeune fille a figé sur place. On aurait dit une statue de cire! Puis, au lieu de répondre, elle m’a demandé à brûle-pourpoint : « Monsieur, qu’est-ce que c’est la littérature transitique? » Comme si j’étais saint-Ex, non mais quand même!

mardi 16 octobre 2007

Génération Web 2.0

Pendant que j'y suis, quand je me suis éveillé de ce sommeil sans âme qui a duré tout l'été (mais où ai-je été? où?), une vérité m'a frappé de plein fouet: le prochain groupe démographique sera désigné par le syntagme "génération Web 2.0".
Après la génération x, la génération y, la génération lyrique et tutti quanti, viendra la génération Web 2.0.
Vous l'aurez lu ici pour la première fois.

Et pour enfoncer le clou, vous me permettrez de le répéter une bonne cinquantaine de fois, histoire de marquer non pas les consciences, mais les moteurs de recherche.
Ô toi, grand dieu Google!
Fais-moi exister!
Amène-moi au premier rang des résultats de recherche!

(ne lisez pas ce qui suit, c'est purement mécanique)
génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0, génération Web 2.0.

Et vous pourrez dire: je l'ai lu sur la Chaire du professeur Lint.
Ne me remerciez pas.
Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai cette image en tête depuis quelque temps. Je n'arrive pas à m'en débarrasser. Et j'entends une voix qui me demande de la transmettre. Sans arrêt. Je vous jure. J'ai résisté, mais je n'en puis plus.
Voilà! C'est fait.
Ô chastes yeux, fermez-vous le temps que cette image délétère se noie dans le grand purgatoire du cyberespace.
Amen.

Écriture génétiquement modifiée



Je ne sais pas qui sont ces gens, ni qui est cette Natasha Beaulieu (j'ai demandé à Emmanuelle Alba si elle connaissait, mais elle a fait la moue [sans r, sans blague!], l'air de dire "non, mais on s'en fout!" [sans re, restons poli...]). Je me dis tout de même que son idée d'une écriture génétiquement modifiée s'intègre parfaitement aux projets de la Chaire. À investiguer.
C'est sûrement une écrivaine de la génération Web 2.0!

dimanche 14 octobre 2007

L'arrivée du train

Que de poussière à la Chaire!

Mes écrans sont recouverts d’une fine couche de gris.
La tasse de Victoria W – j’étais certain pourtant de la lui avoir remise! Que s’est-il passé? Où ai-je été? – a laissé un cercle parfait sur mon bureau, comme une ombre inversée, quand je l’ai déplacée.
Une ombre blanche.
Je dois tâcher de me souvenir.

Tout allait bien pourtant, mais le train a déraillé.
L’arrivée du train dans la gare de La Ciotat n’a jamais eu lieu…
Fermez les lumières avant que les ampoules n'explosent.

Je devais me rendre à la conférence d’Eduardo Kac au MASTEVI.
Oui. Je tiens un fil.
J’avais le vague projet de hum… emprunter le Kac le temps d’une démonstration de mon savoir-faire. Ai-je été frappé à la tête lors de l’échauffourée qui a suivi le kidnapping? J’avance ceci à titre d’hypothèse, mais ça me semble vraiment farfelu. Je n’ai aucun souvenir de m’être approché de l’artiste brésilien.
À ce que je sache, j’ai manqué sa conférence. Au lieu de briller de tous mes feux, je me suis éteint, avalé par un trou noir le temps d’un très long musement.

Tiens!
L’un de mes derniers souvenirs est d’être sorti en trombe de mon bureau pour aller faire des photocopies au département. Je préparais justement le dossier que je voulais remettre à Kac. De la documentation! Il n’y a rien de mieux pour prouver ses dires.
Nous étions à la Saint-Jean Baptiste, je me rappelle, le département était désert… J’étais sur les nerfs. Emmanuelle Alba avait préféré passer ces journées cruciales auprès de son amoureux asocial.
Du coin de l’œil, malgré mon empressement, j’ai remarqué la présence d’une jeune fille. Une jeune fille blonde, âgée d’à peine une douzaine d’année.
Juste à y penser, je me sens défaillir. J'ai les mains moites.
Les cuticules de mes pouces m'exaspèrent.

samedi 13 octobre 2007

Pardon?

M’a-t-on parlé?

Suis-je même qui je crois être?

Dois-je me regarder dans le miroir pour m’assurer de ne pas être quelqu’un d’autre? Un nouvel avatar… Une menace planait, et je me suis senti, comment dire, interpellé.

Qui êtes-vous? Êtes-vous ici pour moi?

Je ferai un premier aveu : j’ai la tête vide.

Quel étrange rêve… Les images s’accumulaient, sans queue ni tête. Par moments, j’entendais des voix. J’ai vu un pays lointain. Un palais rempli de livres. Je ne sais plus.

Est-ce toi, ma lectrice?

Quelqu’un a-t-il vu Emmanuelle?

Quelqu’un a-t-il aperçu Éric dernièrement? Je demande ça le plus sérieusement du monde. Je cherche à recoller le tout.

Quelqu’un m’a-t-il vu?

mercredi 10 octobre 2007




Éric…
Là, ça suffit.

Je vois qu’il n’y a rien à faire.
Tu ne sors toujours pas de ton errance à la noix. Ton musement de peine et de misère.
Ben, si tu veux mon avis, tu peux y rester.

Je te flushe (Excuse my french!).

C’est dommage, tu vois.
Je voulais que tu reviennes à la vie pour me faire patienter un peu. J’ai un autre projet qui prend forme. Un projet de roman. Un truc un peu plus sérieux. Pas aussi sombre que Les failles, mais quand même, du sérieux! Et ce projet devient de plus en plus présent. Il commence à se faire une niche dans mon esprit. Je vois déjà la structure du roman se profiler, un truc à la John Hawkes, une conscience torturée, partagée entre trois temps, trois moment précis qui se répondent.
Je ne voulais pas le faire débuter tout de suite, j’ai trop de choses à terminer. Et il y a ce foutu monstre qui requiert toutes mes énergies (je me sens parfois comme dans un jeu vidéo conçu par des technocrates; j’essaie sans succès de dépasser le premier niveau et je suis recalé. Game over...).

J’ai une année sabbatique qui s’en vient. Je commence déjà à en rêver. Et ce sera le moment idéal pour réaliser ce nouveau projet. Comprends-tu maintenant?
Je voulais que tu reprennes vie pour me faire patienter quelque temps, pour m’occuper pendant l’année scolaire.

Toi seul es capable de me faire patienter. Toi seul peux m’aider à repousser ce projet, le temps que mon année sabbatique arrive.

Mais il semble que tu ne sois pas en mesure de le faire. Tu préfères les limbes de tes rêveries à cette mission qui aurait pu t’être impartie.
Soit. Tu es maître de ton destin.

Alors, au revoir!
Tu m’auras beaucoup amusé, mais toute bonne chose a une fin.
Je commencerai dès maintenant cet autre projet.

Adieu.

L’auteur (quittant la scène de la Chaire un peu à regret, mais déterminé tout de même à ne pas se laisser immobiliser pour autant)

lundi 8 octobre 2007




Bon, Éric.
Sors de ton musement.
Fais-le pour moi.
Je ne dis pas : fais-le pour toi, fais-le pour ta propre survie, fais-le pour ne pas disparaître. Non, rien de tout ça. Je dis : fais-le pour moi, ton auteur. Pour moi, comprends-tu?
J’ai besoin que tu me distraies. Tu es l’un des rares à m’amuser et j’ai vraiment besoin que tu m’aides. Je suis en train de me noyer dans les demandes de subvention – le SOR du CRSH, le RGC du FQRSC, le TDVST – ma session est un enfer, un interminable enfer, et je requiers un peu de distractions. C’est ça ou une prescription de ce que vous avez de plus fort, docteur!

Je me bats, vois-tu, contre un Registre. Je ne savais pas que les monstres pouvaient prendre la forme d’un Registre! Je ne me sens pas l’étoffe d’un Saint Georges.
Qu’est-ce qu’un Registre? me demandes-tu du fond des tes rêveries imagées.
C’est un étrange animal. Un monstre d'un nouveau genre que même les mythologies grecque et norvégienne ne connaissaient pas.
Ça ressemble à une pieuvre, avec des tentacules partout. On étouffe, le moindre mouvement provoque un resserrement, il faut se faire le plus mou possible, le plus conciliant possible.
C’est aussi un labyrinthe. On pense savoir où on est et subitement, crac!, c’est le cul-de-sac. Les erreurs s’accumulent, et c’est le système tout entier qui bloque.
C’est une sirène en plus. Son chant est beau, attirant – c’est le chant de l’argent, tu comprends? Et l’argent, c’est le statut, la crédibilité, la gloire… C’est difficile de résister au chant de la gloire... Et les sirènes, on le sait, rendent fou.
C’est un engrenage. Une fois qu’on a les deux pieds pris dedans, on ne peut plus s’en sortir.
C’est une sangsue. Tant qu’il reste un millilitre de sang, elle ne s’arrêtera pas. Et le sel ne la fait pas se rétracter. Rien ne la paralyse. Rien, je te le jure.
Je suis maintenant à cours de métaphores.

Tu saisis maintenant pourquoi j’ai besoin que tu sois là? Tu me fais rire. Tu me distrais, tu m’inspires, tu me fais respirer. Quand je pense à toi, je redeviens insouciant, comme devant un miroir déformant dans les labyrinthes de foire de mon enfance.
Pour moi. Fais-le.
Prends pitié de moi.


L’auteur (dépité)

p.s. je suis tellement écœuré que même la page des jeux d’esprit de La Presse ne me distrait plus. Amusez-vous! dit-elle. Si seulement je pouvais… Soyez spontané! Tu parles d'un paradoxe, oui. Je contemple les jeux sans broncher : les mots croisés et les mots croisés plus, le Êtes-vous observateur, avec ses huit petites différences – cette fois-ci c’est une madame des années cinquante qui, parce que ses mains sont pleines de paquets, tient dans sa bouche la laisse de son chien –, la case du mot mystère (le thème aujourd’hui : sentiments, un mot de six lettres), les mots fléchés, qui me paraissent toujours aussi insignifiants, et le clou de la page, la citation secrète, cette fois-ci une citation de Marguerite Yourcenar, l’auteur de « Qui n’a pas son Minotaure? » et de quelques autres textes mineurs. Je regarde les lettres sans réagir, mon estomac est noué, mes mains sont froides.

p.s.s. Tu vas aimer. La solution du dernier numéro de la citation secrète est "Un cannibale est un homme qui aime son prochain avec de la sauce." J'te jure! Je me demande qui a écrit ça… Louis Ferdinand Céline? Ionesco? Bukovski? Sûrement qu'un chroniqueur blasé va s'en emparer pour m'envoyer un signal.

samedi 6 octobre 2007


Éric,
je te le dis, si tu ne sors pas de ton foutu musement, je te laisse tomber.
C’est aussi simple que ça.
Je t’efface en bonne et due forme. Je ferme le site de la Chaire de recherche en littérature transgénique, je mets la clé dans la porte, comme on dit, et laisse couler tous tes beaux projets de renouvellement de la littérature. Je ferme mon document word, je prends le dossier Éric Lint et je le fous à la poubelle. Puis, je la vide d’un clic de souris. Sans la moindre hésitation!
Je l'avoue: j’aime bien le bruit que fait mon ordinateur quand la poubelle se vide, je peux l’entendre, c’est comme une chanson dont on anticipe le refrain, qu’on entend déjà en fait, même si le couplet n’est pas encore fini. C’est pareil, je prévois le son que fera mon ordinateur, quand il effacera le dossier de ton existence paralysée. Tous les mots disparus. Ton existence irrécupérablement évanouie dans le système d’exploitation de mon ordinateur


L’auteur (ulcéré)

p.s. Comprends-moi, Éric. J’ai peur tout à coup que ma vie ne soit plus qu’une série de serviettes en nylon, de celles que les grandes organisations distribuent lors des colloques. Elle sont décorées de raisons sociales et de slogans à caractère institutionnel. J’en ai un tiroir plein qui me donne la nausée chaque fois que je l’ouvre.

vendredi 5 octobre 2007

jeudi 4 octobre 2007





Éric!


Éric, je t'avertis.

Si ça continue, on va finir par t'oublier. Plus personne ne parlera de la Chaire, la littérature transgénique deviendra un souvenir lointain, tout juste bon à classer dans les affaires périmées, comme une invention des frères Lumière.
Allez, réveille-toi, sors de ton foutu musement. Ton état végétatif sent le choux de Bruxelles bouilli. Détrempé. Un coma, tu parles d'une affaire! Tu crois que tu te protèges ainsi, mais il n'en est rien. Ça ne protège pas le coma, ça retarde tout.
Nom de Dieu, mais réveille-toi. Fais quelque chose! Tu as une Chaire à gérer, des aventures à continuer, tu ne peux pas tout laisser en plan! Que feront Emmanuelle Alba et Victoria W? Les as-tu oubliées? Et Eduardo Kac? Et ta lectrice?

TA LECTRICE!

Ça ne se fait pas. On ne peut pas abandonner un feuilleton en plein milieu d'une situation. Eugène Sue se serait retourné dans sa tombe pour moins que ça!
Mets un peu d'ordre dans tes pensées et sors de ta cachette. Sors de ce coffre en cèdre qui te sert de mémoire.

L'auteur (sur le point de perdre patience)





lundi 1 octobre 2007