lundi 7 mai 2007

Moi, j’aime le Kac…


Eduardo Kac sera au MASTEVI.

La chose est d’ores et déjà confirmée.
There’s a burglar in the house!

La question est de savoir maintenant comment établir le contact, comment m’initier dans le cercle de ses intimes. Je ne veux pas seulement m’approcher et voir de près le phénomène. Non, ce n’est pas assez. Je veux nouer une relation durable avec l’artiste. Nous sommes des frères de sang, des défenseurs d’une semblable cause. Les transgénismes littéraire et artistique sont des frères utérins. Ils ont été séparés à la naissance, comme dans toute bonne tragédie, mais c’est leur destin d’être enfin réunis.
Le destin est une pâte molle qui se travaille aisément si on y met de l’énergie.

Mais comment faire?
Je pourrais simplement l’attendre à la sortie de la salle. Mais trop d’obstacles pourraient contrecarrer ce projet. Les écrivains de l’UNEQ pourraient s’être mobilisés. Ou les étudiants en arts. Et on pourrait me reconnaître.
C’est incognito que je dois m’approcher de ecce homo.
Je pourrais porter une moustache. Ou une barbichette.
J’ai vu un étrange film, la semaine dernière, intitulé Borat. Emmanuelle Alba me l’a conseillé. Ça riait beaucoup dans la salle du cinéma Villeray, même si le film était essentiellement triste. Pauvre homme! Je compatis. Ce reporter du Kazakhstan tombe éperdument amoureux d’une jeune et jolie actrice américaine. Il traverse le continent pour la rejoindre. Pourtant, malgré son courage et sa bonne volonté, il ne réussit qu’à s’aliéner la dame, qui refuse ses avances. Il sera même obligé de noyer sa peine dans les bras immenses d’une péripatéticienne de talent.

Son procédé était frustre, je vous le concède, mais je me demande si je ferai pas comme lui quand il entreprend de demander la main de cette Pamela Anderson. C’est, si j’ai bien compris, une star hollywoodienne aux immenses talents (enfin, vous voyez ce que je veux dire). Habillé de son veston et de son plus beau sourire moustachu, Borat s’approche de la table où elle signe des autographes et, sans préambules, il la demande en mariage! Il ne sort pas un jonc de sa poche. Non, c’est plutôt un immense sac à patates et il tente sans grand talent, il faut le dire, d’y enfourner Pamela, qui refuse de se prêter à la manœuvre. S’ensuit une fuite éperdue du reporter dans le parking du Shopping Center.

Je me dis que je pourrais faire pareil. Pas la fuite. L’enfournement.
Avec Emmanuelle, nous nous approcherons de la table de conférence où siège Edouardo Kac , et à l’aide d’un grand sac à patates, on immobilisera l’artiste et, j’aime bien la polysémie de ce verbe, on le ravira.
C’est sûr que sa première réaction sera négative. Il y en a, je vous jure, qui détestent être ravis! Il se débattra comme un diable dans l’eau bénite ou alors comme un russe dans l’alcool de patates. On sera peut-être obligé de le calmer en lui donnant quelques coups de tubercules sur la tête. J’aurai préalablement stationné ma vieille Saturn derrière le musée, et on s’empressera d’y déposer notre petit météorite brésilien. Pouf!, un sac informe de jute dans le coffre arrière, juste à côté de mes affaires personnelles.
On entrera discrètement dans la chaire. On déposera le sac au sol et on laissera lentement le Kac sortir de son cocon, comme un papillon.
Nous attendrons, Emmanuelle et moi, feignant l’indifférence, mangeant distraitement des Grisols et du fromage à la crème.
Et la surprise quand Eduardo sortira du sac, comme un lapin (on l’attendait celle-là!) et qu’il verra à mon équipement informatique, à mes fiches collées sur les murs et à mes liasses de feuilles volantes, portant toutes les traces du protocole TRANSLIT, que je ne suis pas un mécréant, mais un compagnon d’arme. Sa consternation, quand il réalisera que le docteur qui l’a séquestré n’est pas un nouveau Frankenstein ou un Jekyll des temps postmodernes, mais un Lint, tout aussi doux que du vrai coton.

Je le laisserai explorer la chaire, le temps qu’Il décolère un peu. Puis, je me montrerai à lui, les bras ouverts et les mains tendues et nous deviserons ensemble sur le sort du monde, l’incompréhension de nos semblables et la fuite des cerveaux pour des cieux plus cléments.
Je lui servirai du lox sur des bagels au pavot, accompagné de câpres marinées et de rondelles d’oignon rouge.
Nous examinerons mes expériences littéraires, et peut-être, peut-être trouvera-t-il ce qui fait défaut à mes procédés. Un peu de poudre de Perlimpinpin brésilienne et le tour sera joué. Ce qu’il a fait pour l’art transgénique, il pourra sûrement le faire pour ma littérature.
Je lui remettrai un doctorat honoris causa de la CRLT, nous irons boire un verre à la santé de Lula et je le ramènerai à son hôtel.
Kac et Lint, unis pour l’éternité.

Je rêve, je sais. Mais avouez que cela sonne bien.
Et je préfère rêver plutôt que de m’ankyloser et d’attendre les bras baissés qu’on vienne me cueillir comme un fruit séché.
Les bottes des gardiens de sécurité font toujours un grand tapage quand elles claquent sur le couvre-plancher du corridor qui mène à mon bureau.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Cher Éric,
Si je comprends bien l'artifice de la moustache, la poche de patates m'apparaît moins transparente. Ne serais-tu pas un peu au coton pour avoir si peu de délicatesse à l'endroit d'une éminence de l'art transgénique telle Kac ?
N'est-ce pas plutôt à l'aide d'un somptueux fil soie verte qu'il faudrait lui filer un cocon à l'anglaise ? Je crois qu'ainsi, plutôt que de se sentir embobiné, il s'abandonnerait, au bout de son rouleau, à ce fil de soie qui l'immobiliserait en lui laissant ainsi éprouver la sensation ô combien délicieuse de ce fil de soie sillonnant la moindre parcelle de sa peau. Un tel ravissement, je te l'assure, t'assurerait toute son admiration.

Allez, continue de rêver.

Edith