jeudi 15 novembre 2007

Deuxième tesson

Mes oublis… Comment dire, mes absences!

Un coup de foudre s’est abattu sur ma personne transformant ce pauvre Éric, bibi, en Thésée égaré sans Ariane dans le labyrinthe de ses souvenirs perdus. Pff!

J’ai mis le bout de l’index droit sur un mot et, zap!, un rire solennel a suivi ma descente aux enfers où Hadès m’a accueilli à bras ouverts, m’offrant son plus beau siège, un noble banc de bois recouvert de vignes qui serpentaient de ses pattes au dossier. Après, je le jure, je ne me souviens de rien.
J’ai encore mal aux fesses, comme si on m’avait arraché quelque chose, mais bon, je préfère ne pas entrer dans le détail.

En partant, la jeune fille, Caroline, que son papa a récupérée dans une effusion d’émotions tout aussi exubérante qu’attendue, m’a laissé un cadeau. Un double cadeau.
Elle n’a pas fait exprès, j’en mettrais ma main au feu. Quand son père est arrivé, elle était encore au clavier en train de raconter ses aventures et tâcher de faire revivre son amie morte. Au moment de partir, au lieu de ramasser ses deux livres, elle a choisi plutôt de retourner à l’ordinateur et de s’envoyer par courriel son texte, histoire de ne rien perdre de son histoire justement, les mots se passent le bâton, je vous assure.
Quel étrange siècle… On s’envoie maintenant à soi-même les missives qu’on ne veut pas perdre!

Saisissez-vous les conséquences de cette dernière phrase?
Non?
Chère lectrice, non, ce n'est pas ça... Mes jeux de mots n'ont pas pris un mauvais tournant après mon sommeil sans âme prolongé. Ils étaient déjà comme ça avant. Et je m’insurge contre votre évaluation de mes talents d’écrivain. Selon vous, j’aurais dû décrire en long et en large la scène de réunion de Caroline et de son père, entrer dans les détails de leurs émotions confuses et conflictuelles. Peindre un portrait saisissant de cette réunion dans les couloirs stériles de mon Département des arts du texte. Grossir les traits pour émouvoir mon lecteur, qui en a vu d’autres. Mais je sais de source sûre – c’est J. R. Berger lui-même qui me l’a dit – que la retenue était, dans ce cas-ci, nécessaire et requise de toute urgence. Et je ne joue pas avec les émotions des autres, j'ai assez de difficulté à m’occuper des miennes.



Que disais-je donc avant qu’on interrompe de si inopportune façon? Ah oui… Le cadeau. Caroline a laissé traîner sur mon bureau, tout près du clavier blanc de mon ordinateur principal, les deux volumes qu’elle transportait avec elle.
Il y avait bien sûr les restes du roman de son papa, L’île des Pas perdus, en partie brûlé; et, vous vous en doutez, le cahier de son amie Tamaracouta.
J’aurais dû dès le départ jeter ces deux cadeaux empoisonnés aux poubelles, mais je ne l'ai pas fait. J’ai préféré plutôt vaporisé du Lysol dans mon local, afin de cacher l’odeur de brûlé que les deux codex exhalaient.
Je les ai conservés.
CONSERVÉS.

Et j’ai décidé de m’en servir. De les passer au protocole TRANSLIT.
Ce n’est pas tous les jours, voyez-vous, que j’ai droit à des manuscrits. Que dis-je: à des manuscrits de première génération. Écrits de la main même de l’auteur. Le journal de Tamaracouta n’est pas publié, on ne parle pas d'Anne Frank, je vous l’accorde. Mais, si je devais en croire Caroline, il y avait là un manuscrit d’une étonnante puissance. Un manuscrit où le texte et le monde étaient en parfaite harmonie.
Je ne le crois pas vraiment, j’ai trop vu neiger pour ça. Mais, tout de même, un manuscrit presque vierge, même si en partie carbonisé, ça ne court pas les rues...

Et le roman de ce J. R. Berger valait bien un Jacques Ferron ou un Lewis Carroll, si je déchiffrais correctement le quatrième de couverture. Pas de fausse modestie.

J’ai toujours aimé les îles, il était donc facile de jeter mon dévolu sur ce roman. Et j’en connaissais l’auteur, je lui avais serré la main. J’avais même son adresse, écrite de sa propre main. Si je faisais attention, je pouvais récupérer une partie de son ATN.

ATN?
Chère lectrice, ton ignorance me surprend toujours.
Acide textuo-nucléïque…
Les particules élémentaires de l’identité auctoriale.
Une vraie mine d’or.


Et je me suis mis à la tâche…

Aucun commentaire: