La sécurité me rend anxieux (insecure diraient les Américains qui s’y connaissent en la matière). Mes propos paraissent sibyllins, je reformule : la présence accrue des forces de l’ordre et de la sécurité dans les lieux publics me rend nerveux.
Très nerveux.
Aux abords de l’UVAM, par exemple, et surtout dans le métro, le nombre de gardiens de sécurité et de policiers a augmenté dernièrement. On m’excusera de mettre dans le même panier gardiens et policiers, mais dans le feu de l’action, j’ai de la difficulté à les distinguer. S’ils portent un uniforme, des grosses bottes et surtout un air bête, ils appartiennent à la même tribu. La tribu des forces de l’ordre. Ils se promènent en groupes de deux ou de trois, ils sont vêtus de vestes pare-balles et, à leur ceinture, ils portent des armes, des menottes et une radio. Il ne manque que les chiens.
Cette présence me rend inquiet. Ont-ils augmenté, sans qu’on le sache, le niveau d’alerte à Montréal? Sommes-nous en danger? Des terroristes sont-ils à l’œuvre dans les souterrains du métro et de l’Université? Des bombes exploseront-elles dans un avenir rapproché?
Suis-je personnellement en danger? Je n’oublie pas le onze septembre.
Et je me fais du souci. Je me sens comme à l’adolescence, quand j’ai lu pour la première fois 1984 de George Orwell. Et si cette présence des forces de l'ordre était l’indice d’une transformation fondamentale de ma société? Une transformation d’autant plus pernicieuse qu’elle est subreptice…
Nous vivons une révolution négative.
Et nous commençons à subir un long processus de détérioration de nos libertés. L’État a déjà commencé à augmenter petit à petit la présence des policiers dans toutes les phases de notre vie. Dans le métro, dans les quartiers, dans les édifices mêmes de l’Université. Au début, on réagit, on rapetisse littéralement, mais rapidement on s’habitue. Ils sont là pour nous protéger après tout… nous, les travailleurs qui assurons à la société son vitalité et son produit national brut.
Mais, un matin, on se lèvera et les espaces publics seront passés sous contrôle policier; nos moindres faits et gestes seront surveillés par des caméras, des cartes de citoyen seront émises et devront être portées en tout temps, la loi et l’ordre règneront en maître. Et de nos libertés telles qu’on les connaissait, il ne restera plus rien. Comme un livre pilonné.
Je vous le dis, l’ordre est en train de supplanter la liberté comme principe social.
Quand j’arrive maintenant à l’UVAM, je ferme ma porte derrière moi. Je prête l’oreille à tous les bruits et entends en sourcillant le claquement des bottes sur le plélart du couloir, tandis que les forces de l'ordre font leur ronde de nuit.
Ma chaire me protège des regards inquisiteurs, mais je reste sur les dents. Au début, je craignais l’espionnage industriel; maintenant, je me méfie de tout ce qui porte un uniforme, de tout ce qui veut me protéger.
mercredi 29 novembre 2006
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1 commentaire:
Éric, la police et les gardiens, c'est une chose. Mais il y a pire : les doyennes ! J'en connais une dans une université "smoke free" et "scent free" (à quand le fat free...? ça règlerait son cas... ) qui a un passe-partout et qui vient sniffer... dans les bureaux des profs en leur absence... Elle va même, dit-on, jusqu'à lire leurs courriels. Pour ma part, je tiens mordicus à ma liberté de sentir quand je le veux, comme je le veux...
EG
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