jeudi 8 février 2007

More thèse, please!

Une lectrice me demande: "pourquoi voulez-vous obtenir un doctorat de l’Université de Napierville, si vous en avez déjà un? Vous aviez en effet déclaré, dès le tout premier billet : 'On ne consacre pas une vie entière à des balivernes, un doctorat en main et une chaire de recherche en banque.’ Que dois-je en penser ? Vous menez-nous en barque depuis le début ?"

Chère lectrice, si vous saviez comme votre missive me fait du bien. Elle me dit : quelqu’un me lit! Quelqu’un ne porte pas une attention distraite à mes écrits, mais au contraire les accueille avec intensité, avec profondeur, avec une mémoire que le poète Simonide lui envierait. Et Cicéron à sa suite, et Lulle et Bruno et toute cette ribambelle de joyeux lurons qui n’avaient d’autre occupation que de s’inventer des théâtres imaginaires qu’ils peuplaient des pensées les plus hétéroclites.
Je digresse, mais n’ayez crainte, chère demoiselle, car je vous imagine aisément belle et désirable, pas une blonde (je n’ai que faire des blondes!), non, une petite noire m’irait très bien, avec des grands yeux facilement émerveillés et un visage alerte qu’illuminent spontanément les marques de la surprise, n’ayez crainte donc, je n’essaie pas de vous perdre dans les rets de mes stratégies d’évitement. Je ne tente même pas de gagner du temps, réfléchissant à toute vitesse à ce qu’il conviendrait de répondre à de telles accusations sans fondement.
Rien de tout cela. Que Freud m'en soit témoin!
Il est vrai que j’ai cherché à déposer ma thèse dans une université de la province.
Il est vrai que j’ai voulu déposer à nouveau, la précision est ici importante, le résultat de mes recherches et le fruit de mon labeur intellectuel. Et je l’ai fait afin d’éviter toute remarque désobligeante sur mon diplôme, que d’aucuns m’accusent d’être allé chercher dans une université illégitime, ce qu’on appelle communément un « Diploma Mill », un moulin à diplôme (l’expression appelle spontanément l’image de don Quichotte, armé de sa lance et attaquant sans arrière-pensée et sans grande intelligence, il va sans dire, un moulin à vent contre lequel il s’emporte et qu’il confond sans peine avec un géant dormant – je n’en rate vraiment pas une : une porte avec un géant penne dormant…).


Où en étais-je? Ah oui.
La sagesse populaire nous dit qu’à être trop pressé, on confond le bon grain et l’ivraie et l'on s’égare dans l’ivresse du gain (I’m on a roll!). Et j’ai cédé à la tentation. J’avoue et je m’en confesse. J’avais remarqué sur la très vaste toile de l’Internet des offres de diplômes, ni trop exorbitantes, ni trop exotiques. Un site entre autres offrait des diplômes de doctorat, des Ph.D., comme on dit. Il suffisait d’envoyer un manuscrit « original » de plus d’une centaine de pages, quelle qu’en soit la langue, pour recevoir par retour de courrier ledit document finement imprimé comme un parchemin.
Je croyais tout de même qu’on lirait ma thèse, que je la déposerais en bonne et due forme et qu’un véritable doyen donnerait son imprimatur. Je rêvais d'une soutenance de thèse où je me serais tenu droit comme un lampadaire, drapé de ma toge de futur docteur...
Je ne pensais pas qu’il s’agissait d’une fraude complète.
Mon diplôme m’a valu le poste dont je sais qu’il me revient de droit. Mais le doyen a demandé de revoir mon diplôme (mais quelle mouche l’a piqué?) et c’est là que j’ai entrepris des démarches auprès de la Napierburg Universität.
J’aurais pu faire comme d’autres et prétendre, par exemple, que mon diplôme s’était perdu en mer, expliquant que le bateau sur lequel mes malles se trouvaient avait sombré dans l’Atlantique et que l’Université qui m’avait décerné le diplôme avait elle-même brûlé, carbonisant avec elle toutes les traces de mes études passées (quelles sont les chances qu’une telle suite d’événements se produise? Je vous le demande! Si ça m’était arrivé, je me serais vite rendu au dépanneur le plus proche pour me procurer un billet de loterie! Et un double à part ça! Avec extra et tout le tralala).
Mais je ne l’ai pas fait. Je n’ai rien répondu à mon doyen.
J’ai tenté plutôt de me trouver un nouveau diplôme, nouveau et amélioré, avec les conséquences que l’on connaît.
Mais je n’ai pas dit mon dernier mot.
Est-ce que, gentille lectrice, une telle réponse vous suffit?
Éric Lint vous salue.

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