lundi 8 octobre 2007




Bon, Éric.
Sors de ton musement.
Fais-le pour moi.
Je ne dis pas : fais-le pour toi, fais-le pour ta propre survie, fais-le pour ne pas disparaître. Non, rien de tout ça. Je dis : fais-le pour moi, ton auteur. Pour moi, comprends-tu?
J’ai besoin que tu me distraies. Tu es l’un des rares à m’amuser et j’ai vraiment besoin que tu m’aides. Je suis en train de me noyer dans les demandes de subvention – le SOR du CRSH, le RGC du FQRSC, le TDVST – ma session est un enfer, un interminable enfer, et je requiers un peu de distractions. C’est ça ou une prescription de ce que vous avez de plus fort, docteur!

Je me bats, vois-tu, contre un Registre. Je ne savais pas que les monstres pouvaient prendre la forme d’un Registre! Je ne me sens pas l’étoffe d’un Saint Georges.
Qu’est-ce qu’un Registre? me demandes-tu du fond des tes rêveries imagées.
C’est un étrange animal. Un monstre d'un nouveau genre que même les mythologies grecque et norvégienne ne connaissaient pas.
Ça ressemble à une pieuvre, avec des tentacules partout. On étouffe, le moindre mouvement provoque un resserrement, il faut se faire le plus mou possible, le plus conciliant possible.
C’est aussi un labyrinthe. On pense savoir où on est et subitement, crac!, c’est le cul-de-sac. Les erreurs s’accumulent, et c’est le système tout entier qui bloque.
C’est une sirène en plus. Son chant est beau, attirant – c’est le chant de l’argent, tu comprends? Et l’argent, c’est le statut, la crédibilité, la gloire… C’est difficile de résister au chant de la gloire... Et les sirènes, on le sait, rendent fou.
C’est un engrenage. Une fois qu’on a les deux pieds pris dedans, on ne peut plus s’en sortir.
C’est une sangsue. Tant qu’il reste un millilitre de sang, elle ne s’arrêtera pas. Et le sel ne la fait pas se rétracter. Rien ne la paralyse. Rien, je te le jure.
Je suis maintenant à cours de métaphores.

Tu saisis maintenant pourquoi j’ai besoin que tu sois là? Tu me fais rire. Tu me distrais, tu m’inspires, tu me fais respirer. Quand je pense à toi, je redeviens insouciant, comme devant un miroir déformant dans les labyrinthes de foire de mon enfance.
Pour moi. Fais-le.
Prends pitié de moi.


L’auteur (dépité)

p.s. je suis tellement écœuré que même la page des jeux d’esprit de La Presse ne me distrait plus. Amusez-vous! dit-elle. Si seulement je pouvais… Soyez spontané! Tu parles d'un paradoxe, oui. Je contemple les jeux sans broncher : les mots croisés et les mots croisés plus, le Êtes-vous observateur, avec ses huit petites différences – cette fois-ci c’est une madame des années cinquante qui, parce que ses mains sont pleines de paquets, tient dans sa bouche la laisse de son chien –, la case du mot mystère (le thème aujourd’hui : sentiments, un mot de six lettres), les mots fléchés, qui me paraissent toujours aussi insignifiants, et le clou de la page, la citation secrète, cette fois-ci une citation de Marguerite Yourcenar, l’auteur de « Qui n’a pas son Minotaure? » et de quelques autres textes mineurs. Je regarde les lettres sans réagir, mon estomac est noué, mes mains sont froides.

p.s.s. Tu vas aimer. La solution du dernier numéro de la citation secrète est "Un cannibale est un homme qui aime son prochain avec de la sauce." J'te jure! Je me demande qui a écrit ça… Louis Ferdinand Céline? Ionesco? Bukovski? Sûrement qu'un chroniqueur blasé va s'en emparer pour m'envoyer un signal.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Éric, camarade, ne te laisse pas faire. La Révolution t'attend...